L’homophobie, instrument d’instabilité sociale

Par Un éditorial de Louise-Maude Rioux Soucy sur le devoir.com en date du 08 juillet 2024 à 11h12

« Rien n’arrête le progrès. Il s’arrête tout seul. » Cette sentence en forme de boutade d’Alexandre Vialatte illustre le frein que peut susciter l’accumulation d’avancées sociales, spécialement lorsqu’elles s’opèrent sur des terrains qui touchent à l’identité et à l’intimité. Parlez-en aux communautés LGBTQ+ qui ont clos un Mois de la fierté assombri par des reculs qui tranchent avec l’exaltation des gains des débuts du présent siècle. Et encore, on parle moins de freins ici que de ressacs.

Dans un dossier d’une belle profondeur, Le Monde a crûment posé la question la semaine dernière : « Assisterions-nous à un backlash à grande échelle, ce retour de bâton conservateur souvent observé après un progrès des droits des minorités ? » La réponse donnée depuis plusieurs points du globe est platement que oui. Pis, ces reculs testent l’élasticité du tissu social au point que la haine arrive à reprendre ses aises jusque dans des espaces publics qu’on imaginait immunisés contre de telles poussées de fièvre.

À Montréal, c’est par exemple Fred, un employé de Postes Canada poursuivi au travail par des « Ta yeule, PD » anonymes d’une violence aussi répétitive que délétère. Dans l’espoir que son calvaire cesse, Fred a dénoncé dans La Presse et au 98,5 ces longs mois de harcèlement décomplexé. À Paris, c’est Antonin, un cycliste qui s’est fait apostropher après un accrochage qui a vite connu l’escalade. « Casse-toi, sale pédé », lui aura finalement lancé son interlocuteur avec la promesse, s’il le recroise, de lui « casser la gueule ».

 

Que des anecdotes ? Si seulement. Il y a quelques jours, la Gendarmerie royale du Canada a dévoilé un rapport qui fait état d’une triste progression de l’homophobie en nos terres. De 2015 à 2021, le nombre de crimes haineux motivés par la haine de l’orientation sexuelle déclarés par la police a augmenté de 150 %. On y lit que les victimes de ces crimes sont trois fois plus susceptibles que les autres victimes de haine de subir de la violence grave. Ce sont elles aussi qui subissent les blessures les plus sérieuses.

En mai dernier, l’Agence européenne des droits fondamentaux a publié un rapport faisant état de « taux de violence alarmants » en Europe à l’endroit des personnes gaies et transgenres. Les jeunes générations ne sont pas à l’abri, y lit-on. En 2019, un peu moins de la moitié des jeunes LGBTQ+ avaient déclaré avoir fait l’objet d’actes d’intimidation à l’école ; en 2023, c’étaient les deux tiers.

(...)  L’homophobie comme instrument d’instabilité sociale se voit aussi sur une échelle macro. La question LGBTQ+ rallie en effet la majorité des pourfendeurs de l’Occident. En Russie, au Sénégal ou en Afghanistan, par exemple, la question des droits LGBTQ+ est même un élément fondateur du conflit de valeurs qui les oppose à l’Occident. En novembre dernier, la Cour suprême russe a carrément banni pour « extrémisme » le mouvement « international » LGBTQ+.

Ce que la Russie décrit comme un conflit civilisationnel est pourtant bien plus que cela. C’est une bataille pour l’égalité. Une bataille qu’on ne peut pas se permettre de perdre, calcule à juste titre le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme : « Si nous n’arrivons pas à garantir l’égalité pour certaines personnes, nous échouons pour tout le monde. »

Lire le texte intégral sur ledevoir.com.


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