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Recommandations
de Marina Castaneda pour les bisexuel(le)s et pour les thérapeutes
(extrait transcrit par Myriam Brunel)
Les préjugés,
on s'en passe! (traduction : Nancy leclerc / texte original : Tamsin
Bohnet)
Le rôle social
de la bisexualité (Myriam Brunel)
Bi Unité
Montréal : pour laffirmation des bisexuel(le)s
(Émilie Chaix)
La bisexualité
: par ici la sortie (Émilie Chaix)
Recommandations de Marina Castaneda
pour les
bisexuel(le)s et pour les thérapeutes (extrait)
mars 2004
Transcription de Myriam Brunel, 26 mars 2004
NOTE : Marina Castaneda est psychothérapeute et hypnothérapeute.
Son livre, dont je vous transmets ici un extrait, s'intitule
: Comprendre l'homosexualité, des clés, des conseils
pour les homosexuels, leurs familles, leurs thérapeutes. 1999,
Paris, Robert Laffont. L'extrait en question - pp. 239-241 - provient
de la fin du chapitre nommé "Le mirage de la bisexualité".
Personnellement, j'ai certaines réserves sur quelques
points, mais l'ensemble est très pertinent. Bonne lecture et
bons cheminements.
Myriam
(voir la note supplémentaire
à la fin du texte)
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Recommandations pour le bisexuel
- Dans la mesure du possible, rapprochez-vous d'autres bisexuels ou
des associations spécialisées. Il est probable
que les meilleurs partenaires pour vous soient des personnes qui partagent
vos valeurs et votre mode de vie - en un mot, d'autres bisexuels.
- Essayez d'expliciter et de comprendre ce qui vous attire chez les
deux sexes. Pour la grande majorité des bisexuels, ce n'est
pas la même chose d'être en relation avec un homme ou
avec une femme, et il est important de ne pas chercher d'un côté
ce qui n'existe que de l'autre.
- Essayez de définir par vous-même, et indépendamment
de vos partenaires éventuels, quel genre de relations vous
voulez : monogames, ouvertes, sans ou avec engagement - et cherchez
ensuite des personnes qui partagent votre point de vue.
- Si une relation ne marche pas, prenez le temps et faites l'effort
de comprendre pourquoi, au lieu de chercher ailleurs ce que vous n'y
trouvez pas. Il est probable que changer de partenaire, ou se
tourner vers quelqu'un de l'autre sexe, ne résoudra pas le
problème.
Recommandations pour le thérapeute
- Lorsqu'on voit une personne bisexuelle qui présente des difficultés
dans ses relations intimes, on peut facilement tomber dans le piège
de considérer que son problème central, c'est la bisexualité.
Mais celle-ci ne fait souvent que masquer d'autres problèmes
intrapsychiques ou interpersonnels. La bisexualité n'est pas
nécessairement, en elle-même, le problème ou la
solution, même si l'individu considère qu'elle résoudrait
toutes ses difficultés. Comme chez les homosexuels ou chez
les hétérosexuels, il y a des bisexuels malheureux...
et heureux.
- Ne pas supposer automatiquement que le bisexuel est "en transit"
vers l'homosexualité ou l'hétérosexualité,
et encore moins le pousser dans un sens ou dans l'autre. D'abord,
il est impossible de prévoir son évolution future;
et ensuite, beaucoup de bisexuels le resteront toujours et ne seront
nullement "en transit".
- Se méfier des stéréotypes suivants : la bisexualité
est un prétexte à la promiscuité; la bisexualité
est une preuve de confusion ou d'immaturité psychosexuelle;
les bisexuels sont incapables d'avoir des relations intimes. Si ces
problèmes sont parfois présents, ils ne le sont certainement
pas dans tous les cas.
- Ne pas supposer que les bisexuels sont obligatoirement androgynes.
Quelques-uns se présentent comme tels, mais beaucoup d'autres
sont clairement masculins ou féminins dans leur identification,
leur image de soi et leur apparence.
- Se rappeler qu'il n'y a pas une seule définition ni
un seul type de bisexualité. Il est important d'abord de
se mettre d'accord sur la signification du terme. Il est
indispensable aussi de faire une distinction entre la "bisexualité"
de quelqu'un qui n'a encore jamais eu de relations intimes avec personne
(chose fréquente chez les adolescents), et la bisexualité
d'un adulte qui a déjà eu des relations avec des personnes
de l'un ou des deux sexes. La conscience de la bisexualité
peut apparaître à divers moments de la vie, et elle a
un sens très différent selon l'âge et l'expérience
de chacun.
- La relation primaire d'une personne ne donne aucune indication sur
son orientation "véritable". En particulier, un individu
marié n'est pas nécessairement "plutôt"
hétérosexuel. La première relation n'indique
rien non plus; la plupart des bisexuels ont commencé par être
hétérosexuels (ainsi que bon nombre d'homosexuels).
Cela veut dire que leur histoire sexuelle ne constitue pas non plus
un indicateur fiable de leur "véritable" orientation.
- Être sceptique quand une personne affirme qu'il est exactement
pareil pour elle d'avoir des relations avec des hommes ou avec des
femmes. Généralement, il y a des différences
importantes dans la façon qu'a un bisexuel d'entrer en relation,
de se conduire, de s'exprimer et de se sentir avec des personnes
de l'un ou de l'autre sexe. Diverses parties de sa personnalité
peuvent être en jeu ou en conflit.
- Prendre en compte que les bisexuels, par opposition aux homosexuels
ou aux hétérosexuels, n'ont pas d'identité sociale
reconnue, ni de communauté à laquelle s'affilier. Au
contraire, ils sont souvent vus avec méfiance par les
deux groupes. Cela veut dire qu'ils sont souvent isolés, qu'ils
n'ont pas les réseaux d'appui que peuvent avoir les homosexuels
ou les hétérosexuels, et qu'ils se sentiront parfois
incompris ou dévalorisés par leur proches et par la
société en général.
- Les bisexuels ont encore moins de modèles à suivre
que les homosexuels. Ils sont toujours très peu nombreux et
peu visibles, et doivent donc tout inventer au fur et à
mesure de chaque relation.
- Un des grands risques de la bisexualité, c'est que la
personne se sente divisée - qu'elle ressente un clivage entre
deux modes de vie, selon le sexe du partenaire. Il faut alors
l'aider à développer le concept et la pratique de rôles
variables, qui ne font que se superposer à une seule identité
et à une image de soi, qui demeurent constantes. Il y aura
presque toujours un travail de synthèse à faire.
Transcription : Myriam Brunel
26 mars 2004
Texte original extrait du livre Comprendre l'homosexualité,
des clés, des conseils pour les homosexuels, leurs familles,
leurs thérapeutes de Marina Castaneda. 1999, Paris,
Robert Laffont. L'extrait en question - pp. 239-241 - provient de
la fin du chapitre nommé "Le mirage de la bisexualité".
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Note supplémentaire :
Bien que nous trouvions ce texte pertinent dans l'ensemble, nous tenons
à faire part au lecteur de nos réserves face à
certaines affirmations de son auteur :
- Nous croyons que, bien que l'orientation bisexuelle ne représente
pas toujours le seul problème (ou le problème central)
dans les relations intimes de la personne bisexuelle, elle constitue
souvent un problème majeur dans ses rapports avec ses partenaires.
- Nous mettons en doute l'affirmation selon laquelle les bisexuels
soient "très peu nombreux" dans la société,
et nous croyons justement que c'est leur difficulté à
s'afficher qui les rend peu visibles, isolés les uns des autres
et privés souvents de modèles.
L'équipe de rédaction de BUM
Les préjugés, on s'en
passe!
août 2003
Les bisexuel(le)s on dû se battre pour leurs places, non seulement
au sein de la communauté hétéro mais aussi dans
la communauté "queer".
« Ils couchent avec n'importe qui, ils transmettent des maladies
vénériennes, ils ne pensent qu'au sexe, ils ont peur
de l'engagement, ils doivent faire le choix d'être normaux,
ils ne me dérangent pas en autant qu'ils ne s'essaient pas
avec moi ».
Cela rappelle les commentaires homophobes habituels que l'on entend
dans les écoles secondaires ou encore dans les médias.
Toutefois, les personnes qui s'identifient comme bisexuelles les entendent
des deux côtés : de la part des suspects habituels mais
aussi dans la communauté "queer".
Officiellement, les groupes pour gays et lesbiennes ont une politique
d'inclusion envers les bi, et les variations de l'acronyme GLBT (Gays,
Lesbiennes, Bisexuel(les), et Transgenres) sont devenues de la terminologie
reconnue. Les comités dévoués à la diversité
à Edmonton incluent maintenant des présentations de
personnes bisexuelles ainsi que des gays et des lesbiennes. Notre
propre Centre Communautaire des Gays et des Lesbiennes de Edmonton
est aimable aux bi, comme le sont plusieurs autres groupes communautaires,
espaces publics et membres de la communauté.
Les bisexuel(le)s ne peuvent toutefois pas prendre pour acquis cette
acceptation. À l'échelle internationale, les bisexuel(le)s
ont dû se battre pour la permission de participer à certains
événements "queer". Même ici à
Edmonton, plusieurs groupes ont encore des politiques, officielles
ou non, qui excluent les bi. Ils n'empêchent généralement
pas les gens de participer en se basant sur leurs passé sexuel
sinon peu de gens seraient éligibles. Toutefois, ils
mettent l'accent sur l'identité, ou l'identification sociale.
Autrement dit, les bisexuel(le)s sont admissibles en autant qu'ils/elles
ne s'affichent pas.
C'est familier, n'est-ce pas?
La plainte la plus répandue est que les bi diluent l'espace
"queer" par le fait même qu'ils ouvrent le potentiel
aux partenaires de sexe opposé ou des admirateurs hétéro.
Cette crainte peut être compréhensible : on se sent bien
lorsqu'on fait partie d'un groupe spécial, et pour avoir un
groupe inclusif, il faut avoir des catégories de gens qui sont
exclus.
Tiger Woods a été critiqué pour son identification
en tant que multi- racial au lieu de Noir. Dans la même veine,
les bi font face à la pression de choisir une allégeance
pour le bien commun. Lorsque nous choisissons de nous identifier par
rapport à qui nous sommes globalement, menaçons-nous
les sphères distinctes des hétéro et des "queer'
et, par conséquant, le scénario "nous" contre
"eux"?
Je l'espère!
Cette division a le potentiel de faire des gays, des lesbiennes, des
bisexuel(le)s et des transgenres une communauté serrée
qui occupe des espaces sociales magnifiques. Elle apporte toutefois
des risques tels la dépression, l'isolation par rapport à
nos familles d'origine, la violence, des lois injustes et un taux
de suicide élevé chez nos adolescents.
La semaine de la fierté est un beau moment pour la communauté
"queer". Le défilé de la fierté
apporte une ambiance d'appartenance, de sécurité qui
provient de la solidarité contre une culture qui est trop souvent
hostile.
Petit à petit, ça marche. Bien que nous soyons loin
de l'idéal, nous arrivons tout de même à créer
une société qui est moins axée sur les polarités
et dans laquelle les gens ressentent de moins en moins le besoin de
rester sur un côté de la barrière. L'acceptation
de la bisexualité signifie un autre pas vers une société
où nous ne sommes pas definis selon qui nous aimons et où
nous ne sommes pas exclus du système de protections et de privilèges
à cause de nos choix amoureux. Il me semble que c'est une bonne
cause pour marcher, n'est-ce pas?
Ressources bi à Edmonton :
"Bi Pride" (soutien pour les hommes et les femmes) : bipride@telus.net
"Coffee Group" (pour les Femmes Bi) : bwcoffeegroup@yahoo.ca
Traduction : Nancy Leclerc
août 2003
Texte original en anglais : Tamsin Bohnet
juillet 2003
Le rôle social de la bisexualité
décembre 2002
J'aimerais vous faire part de mon opinion sur le "couple".
En tant que bisexuelle, ce sujet m'interpelle énormément
à cause des possibilités de trios, voire de quatuors
amoureux. Bien entendu, je valorise aussi le couple mais je sens intensément
que notre société a un besoin bien réel de redéfinir
les notions même de "couple", de "famille"
et "d'engagement".
Selon la "théorie des formes de l'amour" du psychologue
Robert Sternberg, les trois éléments constitutifs de
l'amour sont: l'intimité, la passion et l'engagement. Ces
éléments peuvent (ou non) se retrouver à divers
degrés dans une relation. Lorsque les trois sont présents,
il parle "d'amour achevé". Mais qui peut affirmer
que ces éléments ne se retrouvent uniquement qu'à
l'intérieur d'une relation "à deux"? Pourquoi
une tierce personne (ou un deuxième couple) ne pourrait-elle
pas très bien s'intégrer dans un couple déjà
harmonieux et ouvert à un apport enrichissant?
À l'heure du mariage et de l'union civile entre conjoint(e)s
de même sexe, il est nécessaire, à mon avis, d'approfondir
davantage le concept, et ce, dès maintenant. Il vaudrait mieux
le faire avant que toutes les lois ne soient rédigées
seulement qu'en fonction de deux personnes. Ceci ne veut pas dire
que tout(e) bisexuel(le) - ou autre - doive se sentir concerné(e)
par une relation engagée et reconnue socialement mais plutôt
que TOUT INDIVIDU qui désire le faire ait la POSSIBILITÉ
et le DROIT de s'engager avec qui il le souhaite, en étant
reconnu à part égale dans ses choix. Ceci peut très
bien inclure plusieurs personnes consentantes car la fidélité
n'a rien à voir avec la possessivité d'un individu.
L'exclusivité peut très bien inclure plusieurs personnes!
Je ne vois pas pour quelles raisons on refuserait l'accès à
un statut égalitaire à quiconque se sent prêt
à s'engager, à être responsable de son propre
rôle dans cet engagement. Vous savez sans doute que l'orientation
sexuelle n'est aucunement liée à la "moralité"
ni au sens des responsabilités. Il faut distinguer clairement
l'ORIENTATION sexuelle du COMPORTEMENT sexuel : c'est fondamental!
À preuve, on peut malheureusement constater qu'il y a autant,
sinon plus, de perversions sexuelles chez les hétérosexuels
(par exemple : la pédophilie) que dans les autres orientations.
Et je suis convaincue qu'il y aurait beaucoup moins de drames conjugaux
si la notion de possessivité (très unie à l'histoire
même du couple hétérosexuel, donc du "système
de l'héritage" de la famille traditionnelle) était
mieux comprise. C'est surtout elle, la possessivité, qui mène
à la jalousie et aux drames qui peuvent en découler.
Il y aurait moins de drames aussi si la société reconnaissait
davantage les diverses orientations sexuelles car les gens ne se sentiraient
pas obligés de se cacher autant que présentement, (donc
de se sentir "faux", "pervers" ou "criminels")
pour vivre leur(s) relation(s). Bien sûr, le mensonge, la perversion
et le crime continueront d'exister et se retrouveront dans toutes
les orientations sexuelles, mais plus on parlera des vrais problèmes,
comme la notion de possessivité, plus on éliminera les
drames.
Enfin! C'est un sujet extrêmement vaste et encore en balbutiements,
mais tendez bien l'oreille, écoutez les "malaises"
de TOUTES les sociétés et vous pourrez sans doute entendre,
comme moi, une multitude d'appels à l'aide pour le respect
des droits et libertés. Je ne comprends pas tous les langages
mais celui-là est mondial!
Bref, notre propre société bénéficie d'un
atout inestimable : la démocratie. Et la liberté d'expression
doit être utilisée au profit du plus grand nombre. Ceci
inclut aussi les bisexuel(le)s!
Allons-nous laisser les gais et lesbiennes revendiquer seuls leurs
droits, les obtenir, pour ensuite nous rendre compte que notre société
possède maintenant deux communautés bien constituées,
tout à fait reconnues et distinctes, entre lesquelles les bisexuel(le)s
et polyamoureux(ses) devront encore se partager et choisir un unique
modèle d'engagement, en l'occurrence, le "couple"?
Les trios amoureux existent aussi chez les gais et lesbiennes. Ils
peuvent même représenter un type de famille reconstituée
très particulier. Devront-ils, néanmoins, ne jamais
être reconnus?
Et les transsexuel(le)s? Et les transgenres? Où se situent-ils(elles)au
juste? Et la polygamie? Certaines sociétés et religions
l'encouragent mais rarement sur une base d'engagement réciproque
et égalitaire. Et la polyandrie? Les femmes qui la vivent sont
encore bien loin d'être acceptées! Ici, aujourd'hui,
la démocratie peut se retrouver au niveau même de l'engagement
relationnel. N'est-ce pas là un signe social évident
de sa vitalité et de sa pertinence?
Et qu'en est-il des relations dites "incestueuses"? Par
exemple, l'homosexualité fraternelle ou encore entre cousin/cousine?
La procréation peut sans doute poser un certain problème
génétique (pour l'instant) mais leur droit à
l'engagement, à l'adoption, à l'insémination?
Doit-on le leur refuser pour autant?
D'ailleurs, ces types de relations incestueuses n'ont-ils pas été
proscrits pour des raisons purement "héréditaires",
de l'ordre de la génétique et du droit légal?
Notre société est aujourd'hui en mesure de distinguer
et de palier au "fatalisme" ancestral et les législations
se sont certainement mieux adaptées que les religions, mais
il reste à le faire comprendre à la population qui,
elle, reproduit souvent des schèmes de pensée par automatisme,
schèmes de pensée hérités précisément
des valeurs familiales traditionnelles très impreignées
par les religions.
Bien entendu, ces valeurs peuvent être précieuses mais
elles ne sont pas les seules et c'est ça qu'il faut que la
majorité accepte. Il n'y a que la reconnaissance sociale qui
puisse arriver à le faire et se sont les législateurs
qui ont l'outil principal pour y aider : la loi. Lorsque les lois
autorisent et régissent les unions, tout le monde est rassuré.
Encore une fois, ce n'est pas une garantie de respect des lois, l'humain
étant ce qu'il est, mais au moins cela accrédite les
individus qui s'y conforment auprès de ceux qui peuvent avoir
des doutes quant à la validité de leur engagement.
Et nous, les bisexuel(le)s, dans tout ça? Ferons-nous résonner
l'écho de nos voix, (bis-tris-polys!), pour rappeler au monde
que nous existons aussi? Si nous ne nous faisons pas entendre davantage,
n'est-ce pas parce que la société ne nous accepte pas?
Continuerons-nous à nous cacher ainsi indéfiniment?
Continuerons-nous à nous intégrer secrètement
aux deux autres communautés sans jamais y être totalement
reconnus, ni dans l'une, ni dans l'autre?
Comment les enfants issus de familles non-traditionnelles se sentiront-ils
si leur schéma familial ne correspond à aucun des deux
seuls modèles de couples socialement acceptés? Une minorité,
me direz-vous. Mais cette minorité a autant le droit au respect
que la majorité : c'est l'application même de la non
discrimination.
Ma génération a commencé à voir apparaître
l'éclatement des familles traditionnelles. La monoparentalité
a réussi à obtenir une reconnaissance malheureusement
et conséquemment très "féminine", en
lien direct avec la dominance traditionnelle masculine, financière,
à tout le moins.
La génération suivante, a vu la reconstitution des familles
puis, de nouveau, leur éclatement. Et la prochaine génération?
Lui laisserons-nous seulement un deuxième choix de modèle
qui peut tout autant éclater, c'est-à-dire la famille
"homosexuelle"? Ce deuxième choix est déjà
une étape sociale formidable, j'en conviens tout à fait
et j'appuie fortement cette cause, mais je souhaite élargir
encore davantage le concept même de "l'union".
Un modèle qui est à développer pourrait ressembler
à quelque chose comme officialiser un "contrat d'entente
entre partenaires" dans lequel chaque individu impliqué
aurait son mot à dire. Il relèverait de chaque union
de déterminer les clauses de leur entente, incluant le nombre
de partenaires impliqués. Et, s'il-vous-plaît, oubliez
la notion sacrée de "pour la vie"! Ce n'est pas impossible
dans une relation mais elle ne s'applique pas d'emblée, comme
le suggère la religion, à tous et toutes pour qui elle
est surtout négociable et renouvelable. Même les termes
d'un bilan relationnel pourraient faire partie du "contrat"
et être partiellement déterminés par les signataires
: plus fréquents au début pour s'espacer au fur et à
mesure de la longévité de la relation.
Bref, les raisons de l'éclatement familial sont très
nombreuses mais le problème majeur, à mon avis, vient
de ses fondements même : la notion d'appartenance "identitaire",
de propriété privée, d'exclusivité possessive.
"L'autre" comme un territoire sur lequel on a des droits
absolus, éternels; "l'autre" qui doit se conformer
à l'image et au comportement "normal" qu'on attend
de lui, sans en avoir vraiment discuté au préalable.
Qui sait si les trios ou les quatuors n'ont pas de meilleures chances
d'épanouissement personnel et social que les célibataires
ou les couples? Imaginez un partage des tâches facilité,
une plus grande stabilité économique, un enrichissement
affectif multiplié, etc. Cela peut sembler très idéaliste
mais sans idéaux, l'humain vivrait encore à l'Âge
de pierre. J'aimerais mieux parler ici "d'idées-forces"
: la bisexualité comme pivot d'un équilibre personnel
et relationnel, comme une ouverture vers l'appréciation des
différences de genres, comme une action concrète de
l'amour et du respect de l'Humain.
C'est pour les enfants de la prochaine génération, pour
la société de demain, qu'il faut oeuvrer dès
maintenant à l'ouverture d'esprit, à la tolérance,
à la reconnaissance de la diversité. Il faut sans doute
leur offrir encore plus d'alternatives et d'outils pour qu'ils explorent,
se développent et se situent eux-mêmes. Pas seulement
reproduire le même modèle : l'améliorer, certes!
En définissant mieux ses bases, en les solidifiant, le cas
échéant, mais ce modèle s'est révélé
trop souvent inadéquat ou mal outillé pour remédier
aux crises qu'il peut traverser.
Les religions peuvent avoir un sens pour certaines personnes mais
ce ne sont sans doute pas les meilleures conseillères en matière
familiale. L'humain se reproduisait bien avant leur avènement
et il n'était certainement pas plus "infidèle"
ou "spirituel" pour autant. Elles forment même parfois
un quatrième participant plutôt nuisible à la
dynamique triangulaire du couple (partenaire-relation-partenaire)
en ajoutant un pouvoir extrapolé au plus "croyant"
des deux partenaires.
On doit garder à l'esprit que lorsque le modèle de couple
traditionnel a bien fonctionné, c'était dans un contexte
stéréotypé à dominance masculine et je
pense que personne, dans l'ensemble de notre société,
ne souhaite revenir à cette formule. Pour ceux et celles à
qui cela convient, grand bien leur fasse! Encore là, à
chacun de déterminer ce qui le rend heureux.
Mais il faut quand même tenter d'apporter d'autres solutions
car si nous ne le faisons pas, qui le fera? Nos enfants eux-mêmes,
peut-être. S'ils arrivent sains et saufs à l'âge
adulte! Car dans un monde de plus en plus individualiste, dur et trop
souvent détaché des drames qui se déroulent au
seuil de sa propre porte, l'individu cherche plus que jamais le rôle
qu'il peut jouer au sein de la société. Même lorsqu'il
veut s'impliquer à fond dans son travail, la structure familiale
domine là aussi et l'oblige subtilement à céder
sa place au profit du fils d'un ancien employé, ou à
quelque autre lien familial favorisé.
Et ce ne seront pas les institutions de l'éducation, de la
psychologie ou de la religion qui offriront de nouveaux modèles.
Elles les valideront ou les dénigreront mais elles ne créeront
rien de bien différent à court ou moyen terme parce
qu'elles sont encore beaucoup trop axées sur le modèle
traditionnel du "couple".
Alors, à nous de proposer de nouvelles avenues et aux gouvernements
de tâcher d'inclure le plus possible tous les citoyens dans
leurs mandats. Il ne faudrait pas qu'ils agissent seulement en fonction
de la "majorité" actuelle car elle est sans doute
plus instable, réversible et vulnérable qu'on l'imagine
: elle évolue! Ses valeurs changent mais ne sont pas nécessairement
remplacées par de meilleures, plus inclusives. Au pire, elle
essaie de s'accrocher à d'antiques modèles bien mal
adaptés au monde d'aujourd'hui. On le constate chez nos voisins
du sud qui tentent, tant bien que mal, de "rééduquer"
sa jeunesse en la maintenant plutôt dans un état d'ignorance
risqué.
Voilà. Je termine en souhaitant que les années à
venir voient s'accroître l'acceptation de la diversité
humaine sous toutes ses formes évolutives : c'est là
qu'est sa véritable richesse et la source de la paix dans le
monde. Et lorsque les lois ne valident pas cette diversité
envers la population, les mentalités antagonistes s'enracinent
dans la terre des lois ancestrales désuètes.
Myriam Brunel
décembre 2002
Bi Unité Montréal
:
pour laffirmation des bisexuel(le)s
Février 2002
La fluidité déstabilise. En tant que bisexuel, le cofondateur
du groupe Bi-Unité Montréal, Yves Bourgeois, la
compris en côtoyant le milieu gay et le milieu hétérosexuel.
Dans chaque monde, on ne rejette pas les bisexuels, mais on passe
sous silence leur réalité en les assimilant soit aux
gays, soit aux hétérosexuels. Seulement, comme laffirme
Yves Bourgeois, « les bisexuels nont pas une dynamique
exclusivement orientée homosexuellement ou hétérosexuellement ».
Par cette disposition à intégrer à la fois deux
orientations sexuelles, les bisexuels en forment une troisième,
bien distincte.
Il y a quatre ans, Yves Bourgeois, avec Sylvie Duchesne, a décidé
denfin faire reconnaître la bisexualité comme une
identité à part entière au Québec en fondant
le groupe Bi-Unité Montréal. Il était fâché,
« fâché de savoir quau Québec
on nétait pas rendu à ce niveau-là [celui
des États-Unis] de reconnaître la bisexualité
autant dans le domaine scientifique, social que communautaire ».
Il tenait aussi à faire passer les Québécois
« dun niveau de tolérance à un niveau
dacceptance ». Cest en sinspirant de
ces groupes pour bisexuels existant depuis une vingtaine dannées
aux États-Unis et en Europe quYves Bourgeois a fondé
lassociation Bi-Unité Montréal.
Dynamique, ce groupe a pour mission de montrer lexistence de
la bisexualité, faire tomber les préjugés et
offrir aux bisexuels un endroit où ils peuvent se rassembler
et pleinement sexprimer.
Depuis août 1998, lassociation Bi-Unité Montréal
est officiellement reconnue et compte aujourdhui une cinquantaine
de membres actifs et a accueilli plus de 1500 personnes. Le groupe
repose sur un conseil dadministration, composé de gens
aux aptitudes diverses et se chargeant des volets dentraide,
dactivités sociales et de militantisme.
Au niveau de lentraide, Bi-Unité Montréal offre
des groupes de discussion à chaque premier mardi du mois. Trois
sujets sont abordés, en lien avec la réalité
bisexuelle. Yves Bourgeois voit dans ces rencontres lopportunité
daider les bisexuels à parler de leurs intérêts
et difficultés, dun point de vue bisexuel et dans une
perspective bisexuelle. Il donne aussi lexemple dautres
activités à caractère davantage de divertissement
pour consolider des liens entre bisexuels et créer un sentiment
dappartenance : brunch, camp, billard, etc. Le volet « déducation »
est celui quYves Bourgeois a le plus à cur. Avec
Bi-Unité Montréal, il a ainsi donné des conférences
et tenu des kiosques dans des universités, comme lUQAM
et Concordia, pour démystifier la bisexualité.
Yves Bourgeois a dautres projets pour Bi-Unité Montréal.
Pour aider les bisexuels en détresse et se sentant sans ressource,
Bi-Unité Montréal offrira bientôt de laide
psychologique. Pour donner un côté davantage activiste
à Bi-Unité Montréal, Yves Bourgeois se prépare
également à mettre sur pieds un centre de documentation
sur la bisexualité. Un journal portant sur les évènements
sociaux, culturels et les enjeux dans la communauté bisexuelle
se trouve aussi dans les plans du fondateur du groupe. Sajoutent
à lagenda de Bi-Unité Montréal encore plus
de conférences sur la bisexualité. Toujours dans lidée
de consolider la communauté bisexuelle, de la faire cohabiter
avec les communautés hétérosexuelle et homosexuelle
et de faire tomber les préjugés tenaces.
Yves Bourgeois explique que les diverses activités de Bi-Unité
Montréal existent afin de créer un sentiment dappartenance
chez les bisexuels et de les soutenir dans leur différence
encore mal perçue. Mais, idéalement, il souhaite que
les bisexuels « vivent leur bisexualité pas seulement
à lintérieur de lassociation mais parlent
de leur réalité dans toutes les sphères sociales
aussi librement. » À ce moment, le cofondateur de Bi-Unité
Montréal aura pleinement atteint son objectif : la tolérance
silencieuse sera devenue acceptation.
Emilie Chaix
Un condensé de cet article a été
publié dans le journal Le Métropolitain en février
2002.
La bisexualité : par ici
la sortie
Novembre 2001
Les bisexuels existent vraiment : jen ai rencontré. Des
gens se situant quelque part entre les 10% dhomosexuels purs
et les 10% dhétérosexuels purs, selon létude
de Kinsey, ne sont pas que théoriques. Ces hommes et ces femmes
bisexuels forment un groupe de plus en plus affirmé et visible.
Très diversifiés, ils sont de plus en plus nombreux
à se réjouir de leur condition et à affirmer
sans indécision leur droit aux préférences sexuelles
et/ou amoureuses binaires.
Contrairement à lidée populaire décrivant
le bisexuel mal dans sa peau, torturé entre les hommes et les
femmes, pour plusieurs bisexuels, la sexualité quils
vivent nest pas un fardeau. Dual Attraction : understanding
bisexuality, la plus grande étude menée sur la bisexualité
auprès de 800 hommes et femmes de San Francisco dans les années
80, montre que près de 75% des répondants « ne
regrettent pas du tout » dêtre bisexuels et
quaucun ne le « regrette beaucoup ». Les
femmes et les hommes se définissant comme bisexuels le voient
comme une réponse après bien des questionnements, un
nom sur ce quils sont vraiment.
La difficulté à saffirmer pour plusieurs bisexuels
provient de la pression de la société aux pôles
opposés homosexualité/hétérosexualité
et de la négation de lexistence de lidentité
bisexuelle. La bisexualité dans ce monde dichotomique obtient
un lot de préjugés et de méfiance : indécis,
hétérosexuel en expérimentation, homosexuel refoulé,
obsédé sexuel, etc. Une bisexuelle, Marie, en rend compte :
« Il n'y a pas d'identité bi socialement établie.
Les gens ont aussi peur de l'inconnu donc on est souvent vus comme
des personnes étranges qui ne savent pas se brancher. On nous
dit qu'il faut choisir un côté. » Laura souligne
un autre préjugé qui agace les femmes bisexuelles, le
stéréotype de « lassoiffée de
sexe » qui se soumet aux volontés de son mari. « Les
hommes imaginent tout de suite que je vais ajouter un peu de piquant
à leur mariage. Je n'ai jamais vécu un ménage
à trois, mais je n'ai rien contre. Mais je ne suis pas un jouet
érotique. » relate-t-elle. Les homosexuels ne sont
parfois guère plus compréhensifs face à la bisexualité,
comme le souligne Yves Bourgeois, le président de lassociation
Bi-Unité Montréal. Après bien des années
de lutte pour la reconnaissance des droits des gays, affirmer quil
y a des gens capables daller « des 2 côtés »
rend lhomosexualité « récupérable »
et rapproche de lhétérosexualité.
Le peu de ressources disponibles pour les bisexuels et la volonté
dexposer la réalité bisexuelle pour les aider
à saffirmer sans honte a poussé plusieurs bisexuels
à sassocier. Depuis une trentaine dannées,
on a vu aux États-Unis et en Europe naître des centaines
de groupes dédiés à la communauté bisexuelle.
Selon le site BiNet USA, la référence bisexuelle mondiale,
le mouvement bisexuel a commencé en 1972 avec The National
Bisexual Liberation Group à New York. Après cette première
volonté de mettre en évidence lidentité
bisexuelle, les groupes se sont propagés à travers les
Etats-Unis. En 1976, le Bisexual Centre à San Francisco a commencé
à offrir des services spécifiquement dirigés
vers les bisexuels : groupes de discussion, « newsletters »,
conférences, etc. Dans les années 80, une nouveauté
sest ajoutée : les groupes pour femmes bisexuelles
avec The Boston Bisexual Womens Network. Par la suite, dautres
groupes spécialisés, des congrès, des magazines,
des réseaux sur internet ont ajouté leur contribution
à laide aux bisexuels et à leur reconnaissance.
Au Canada, le mouvement bisexuel est beaucoup plus jeune. À
Montréal, on compte 2 groupes bisexuels : Bi-Montreal
et Bi Unité Montréal. Ce dernier a beaucoup fait ces
4 dernières années pour la communauté bisexuelle :
des rencontres discussions, des conférences, des activités
sociales, etc.
On compte également sur internet le réseau BiNet Canada,
permettant aux bisexuels canadiens des discussions et des échanges
dinformation par forum électronique.
Quelques bisexuels croient quil est délicat de parler
dune communauté bisexuelle. Les groupes pour gens bisexuels
ont pour mission de faire reconnaître lexistence de la
bisexualité, deffacer les préjugés et de
créer un lieu facilitant léchange sur des problématiques
à dynamique bisexuelle. Cependant, certains bisexuels redoutent
lidée dun groupe aux normes définies. Ingrid,
une bisexuelle, raconte : « Communauté, cest
un couteau à 2 tranchants. Ça a un pouvoir de force,
mais ça peut être aussi dangereux. Il faut pouvoir sen
détacher le temps venu. »
Dans le monde moderne, être bisexuel, « nest-ce
pas une forme de contestation, consciente ou non, de la logique binaire
et de ses intégrismes en matière dérotisme? »
Avec son livre Éloge de la diversité sexuelle, Michel
Dorais bouscule le concept de lidentité sexuelle, des
genres et de lorientation sexuelle en mettant en évidence
la mince ligne entre le masculin et le féminin, entre lhomosexualité
et lhétérosexualité. Pour lui, le concept
didentités polarisées, définies et immuables
est inconciliable avec la nature humaine changeante.
Si nous faisons preuve de diversité dans tous les domaines
de lexistence, pourquoi pas dans la sexualité, une zone
si sensible et illogique de notre vie? « Ne correspondant
pas tout à fait au modèle hétérosexuel
ni à son contretype désigné, le modèle
homosexuel, les personnes (am)bisexuelles sont probablement moins
enclines que dautres à tomber dans le piège des
identités toutes faites ; elles ont tout au moins à
questionner le clivage hétéro/homo. »
Des chercheurs tels Klein et Kinsey ont élaboré des
hypothèses semblables avant lui. Klein a instauré une
échelle où plusieurs compartiments de lidentité
sexuelle sont analysés : attraction sexuelle, attraction
sociale, préférence émotionnelle, préférence
au niveau des fantasmes, comportement sexuel, style de vie hétérosexuel
ou homosexuel et identification personnelle. Pour chacune des dimensions,
il y a 7 réponses possibles : des hommes aux femmes exclusivement
et dhétérosexualité à homosexualité
exclusivement. Par cette grille, il offre une vision plus complète
de lorientation sexuelle et montre que plusieurs personnes ont
un potentiel à se situer entre les pôles homosexuels
et hétérosexuels sur un ou plusieurs aspects. Suivant
cette logique, Marie, une bisexuelle affirmée, explique sa
vision de la bisexualité : « Je vois ça
comme une forme de sexualité parmi une vaste gamme de formes.
C'est tout naturel et libérant de pouvoir tomber en amour,
ou de vouloir partager son intimité, avec quelqu'un quel que
soit son sexe. »
Emilie Chaix
Cet article a été écrit
dans le cadre d'un cours de journalisme en novembre 2001, et a été
publié pour la première fois sur ce site en août
2002.
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