Comment l'extrême droite a déclenché une guerre culturelle dans les écoles de l'Alberta

Mel Woods sur xtramagazine en date du 20 octobre 2025 à 15h08

Bon nombre des groupes les plus actifs dans l'élaboration des politiques scolaires de l'Alberta n'ont aucun lien avec les enfants ou le système éducatif.

(...) Un nouveau rapport du Parkland Institute, un organisme de recherche non partisan basé à l'Université de l'Alberta, montre comment le système éducatif de la province est au cœur d'une lutte politique et idéologique croissante sur ce à quoi les enfants sont exposés à l'école, une lutte dictée par des groupes tels que Action4Canada, affilié au nationalisme chrétien, et le groupe d'extrême droite Take Back Alberta. Il s'agit d'une extension d'un mouvement similaire aux États-Unis, qui a donné lieu à une vague de législations visant également les livres pour enfants, les équipes sportives et les toilettes qu'ils peuvent utiliser. Ce mouvement est incarné par le manuel Project 2025, qui influence le président américain Donald Trump et ses alliés au niveau des États.

Et bien que l'attention se soit principalement portée sur l'impact négatif direct de ces politiques sur les jeunes LGBTQ2S+ en Alberta, les experts avertissent que ces groupes visent en fin de compte à influencer d'autres aspects de l'éducation. Cela inclut non seulement cette vague de législations anti-trans, mais aussi une poussée vers le conservatisme social et la privatisation des écoles dans l'ensemble du système éducatif. 

« Il ne s'agit pas seulement des personnes transgenres », explique Heather Ganshorn, l'auteure du rapport. « Ils veulent prendre le contrôle de la politique. Ils veulent prendre le contrôle de l'éducation. Ils veulent récupérer la famille — c'est la suprématie patriarcale chrétienne blanche. C'est donc mauvais pour tout le monde, sauf pour les quelques mâles alpha qui se retrouvent au sommet. »

Ganshorn est bibliothécaire et mère de deux élèves du système scolaire public de l'Alberta. Elle est également directrice de recherche chez Support Our Students Alberta, une organisation locale qui milite en faveur d'une éducation publique inclusive et équitable. Dans le rapport Parkland, elle présente les principaux acteurs, notamment Action4Canada et Take Back Alberta, qui ont joué un rôle dans la promotion de la législation dite « sur les droits parentaux » dans la province. 

(...) Selon Mme Ganshorn, les parents, les éducateurs et l'Alberta en général devraient s'inquiéter de la forte implication de ces groupes de défense qui n'ont rien à voir avec les écoles ou les enfants dans la politique éducative de l'Alberta. Elle cite un autre groupe, le PCE, axé sur les « droits parentaux », dont le directeur exécutif, John Hilton-O'Brien, n'a pas lui-même d'enfants.

« Pourquoi se soucient-ils autant de l'éducation ? », demande Mme Ganshorn. Ce n'est pas à cause de leur expérience personnelle, dit-elle, mais parce que l'éducation est un outil de socialisation.

Les politiciens de droite l'ont clairement exprimé. Dans une interview accordée en 2016 à Ezra Levant de Rebel News, Jason Kenney, alors député fédéral et futur premier ministre conservateur de l'Alberta, a déclaré que le système scolaire « inculquait [...] la politique identitaire » dans l'esprit des jeunes Albertains, et qu'il appartenait aux politiciens conservateurs de « briser ce cercle vicieux ». 

(...) Ce n'est pas la première fois qu'un premier ministre de l'Ouest canadien tente d'attribuer une politique anti-LGBTQ2S+ à un mouvement de « parents inquiets », alors qu'il s'agit en réalité du travail d'un groupe de défense de droite dévoué. Une situation similaire s'est produite en 2023 en Saskatchewan autour de la politique provinciale sur les pronoms à l'école, qui oblige les parents à être informés si un jeune souhaite changer le nom ou le pronom qu'il utilise à l'école et qui restreint également les ressources en matière d'éducation sexuelle.

(...) Hazel Woodrow, responsable du programme éducatif du Réseau canadien contre la haine, affirme qu'Action4Canada entretient des liens étroits avec de nombreux mouvements proches des groupes haineux, notamment le Convoi de la liberté, les campagnes anti-vaccination et les mouvements anti-LGBTQ2S+. Des représentants du groupe ont poursuivi le gouvernement provincial en justice au sujet des obligations vaccinales, ont protesté contre les heures du conte animées par des drag queens et ont assimilé les ressources d'éducation sexuelle, notamment celles relatives au consentement, à la traite sexuelle des enfants. Mme Gaw a également déclaré qu'elle pensait que nous étions engagés dans une soi-disant bataille spirituelle entre le bien et le mal en ce qui concerne les directives sur l'orientation sexuelle et la diversité de genre dans les écoles.

Mais pour de nombreux membres de base, leur implication dans Action4Canada se limite à partager des publications sur les réseaux sociaux ou à envoyer des lettres types aux politiciens. Woodrow a comparé des groupes comme Action4Canada à un système de marketing multi-niveaux, mais au lieu de vendre des couteaux à prix réduit ou des smoothies douteux, il s'agit ici de désinformation et d'alarmisme à propos des enfants. 

Woodrow a également comparé le militantisme anti-LGBTQ2S+ d'Action4Canada au travail anti-avortement mené par des groupes tels que la Campaign Life Coalition en Ontario dans les années 2010, en particulier la manière dont ces mouvements se propagent grâce à la désinformation sur les réseaux sociaux et attisent la panique morale autour de questions telles que l'avortement ou les droits des personnes transgenres.

(,,,) Selon Ganshorn, la prochaine étape pour bon nombre de ces groupes en Alberta sera les élections scolaires du 20 octobre prochain. Des représentants du groupe Take Back Alberta, aligné sur l'UCP, ont déjà déclaré qu'ils offraient une formation aux candidats potentiels aux conseils scolaires locaux sur les messages anti-LGBTQ2S+ et anti-orientation sexuelle et identité de genre.

Et même si les arguments avancés par Take Back Alberta et son leader David Parker peuvent sembler farfelus, Ganshorn prévient que leur influence se fait déjà sentir en Alberta.

« Les gens se disent : "Eh bien, il est marginal" », explique-t-elle. « Mais il a pris le contrôle de l'UCP. Après avoir vu ce que MAGA a fait et ce dont ils ont été capables, continuer à dire ici, au Canada, que ces gens sont juste excentriques, ça m'énerve vraiment, parce qu'ils représentent une menace sérieuse. » 

Lire le texte intégral (en anglais) sur Xtra.


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