Russie : l’homophobie d’État, élément central de la « guerre des valeurs »
Par Laure Thibonnier-Limpek Valéry Kossov (The Conversation) en date du 02 octobre 2023 à 10h08
30 mai 2015 : à Moscou ;, la police arrête un participant à une manifestation LGBT non autorisée par les autorités municipales. Désormais, plus aucune manifestation de ce type ne peut par définition être autorisée en Russie, toute référence aux « sexualités non traditionnelles » étant interdite dans l’espace public. Dmitri Serbryakov/AFP (publié avec l'article sur The Conversation)Le 30 septembre 2022, dans son discours annonçant l’annexion des républiques ukrainiennes de Lougansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson, Vladimir Poutine reprenait l’une de ses antiennes favorites en affirmant que l’Occident « menaçait l’existence de la Russie ».
Selon une rhétorique désormais bien ancrée dans la propagande du Kremlin, la guerre menée en Ukraine ne serait, en réalité, qu’un élément du conflit global opposant l’Occident à la Russie – un conflit portant avant tout sur les valeurs. L’un des aspects de cette confrontation sur lesquels Moscou insiste tout particulièrement est l’acceptation des sexualités LGBT+ en Occident et leur rejet catégorique en Russie.
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Par ailleurs, en Tchétchénie, devenue depuis longtemps une république où le droit fédéral n’est reconnu que formellement, la situation des personnes LGBT+ est encore plus grave avec plusieurs cas de torture et d’exécution qui ne suscitent aucune réaction des autorités fédérales.
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Censure et autocensure
Toutes ces mesures répressives poussent les différents acteurs du processus culturel à s’infliger des formes d’autocensure et à limiter la diffusion de certaines œuvres. Par exemple, les librairies font l’inventaire de leurs stocks à la recherche d’ouvrages potentiellement exposés aux sanctions. La loi correspond aux convictions d’une partie non négligeable de l’opinion publique, tout en entretenant une homophobie qui, historiquement, en Russie et en URSS, a toujours eu tendance à se renforcer quand le régime connaissait des phases de durcissement. En effet, après avoir été légalisée en 1917, l’homosexualité a été criminalisée en 1933, en plein stalinisme, et n’a été dépénalisée qu’en 1993.
Le droit est également instrumentalisé par le Kremlin dans le cadre d’une stratégie plus large visant à consolider le pouvoir en désignant un « Autre » collectif menaçant la nation. En effet, dans une situation où l’identité nationale en Russie demeure incertaine sa représentation en opposition à un Autre occidental menaçant, entre autres, les « valeurs traditionnelles russes » permet au pouvoir de rassembler la nation autour des concepts conservateurs. Dans le même temps, cette confrontation à l’Autre donne un aspect légitime à un usage répressif du droit qui, en apparence, permettrait de protéger la « voie particulière » de la Russie, mais vise en réalité à restreindre les droits et libertés et à neutraliser les oppositions politiques, sources potentielles de « révolutions de couleur » menaçant la pérennité du régime autoritaire en place.
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