Canada. En finir avec la détention migratoire

Par Chronique d'Aurélie Lanctôt sur ledevoir.com en date du 18 septembre 2023 à 11h04

 


L'entrée du Centre de surveillance de l'immigration, situé à Laval
Photo fournie par le gouvernement fédéral publiée avec l'article du Devoir.

15 septembre 2023.

Depuis plus d’une semaine maintenant, des personnes détenues par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) au tout nouveau Centre de surveillance de l’immigration (CSIL) font la grève de la faim pour protester contre le caractère arbitraire et injuste de leur détention.

(...) L’ASFC place généralement en détention les personnes en situation irrégulière pour trois motifs : le risque de fuite, l’impossibilité de confirmer l’identité de la personne ou alors la (présumée) dangerosité de l’individu. Or ces critères sont souvent appliqués de manière large et arbitraire, privant de leur liberté des personnes qui auraient très bien pu, par exemple, être soumises à des mesures de surveillance tout en demeurant dans la communauté.

Cette grève de la faim rappelle que la « détention administrative » des personnes en situation migratoire irrégulière est un euphémisme grossier qui sert à donner un vernis de légitimité aux pratiques proprement carcérales de l’ASFC.

Dans les centres de détention comme le CSIL, les transports se font avec des menottes aux pieds et aux mains, les horaires sont réglés à la manière d’un pénitencier, on recourt à l’isolement cellulaire — fréquemment utilisé, rapportent des témoignages — pour « gérer » les personnes en détresse.

(...)

On dit souvent que cette pratique est aberrante parce qu’elle permet d’envoyer en prison des personnes « qui n’ont commis aucun crime ». Je crois que cette rhétorique de l’innocence ne sert personne. Elle sert surtout à justifier le mépris généralisé à l’égard des droits des personnes qui, elles, ont bel et bien commis une infraction criminelle. Elle sert aussi à cultiver un soupçon, suggérant que si les migrants qu’on emprisonne ne montrent pas patte blanche, peut-être méritent-ils, au fond, d’être détenus.

Il faudrait plutôt souligner que les personnes détenues pour les fins de l’immigration ne bénéficient pas des mêmes droits et garanties d’équité procédurale que les autres personnes incarcérées et qu’en ce sens, leur détention est doublement injuste — tant dans un centre de l’ASFC que dans une prison. Elles sont soumises au pouvoir discrétionnaire dont dispose l’ASFC, elles peuvent être perpétuellement détenues sans raison claire…

(...) À chaque fois que l’on parle de rendre la détention des personnes migrantes « plus humaine », on oublie de s’interroger sur la légitimité même d’une pratique qui n’a rien d’inévitable. Cette pratique n’est justifiée par rien d’autre que par l’idéologie : celle du péril migratoire, qui pose la figure du migrant en tant que menace, et relègue à la sous-humanité les personnes qui n’accèdent pas au luxe de la mobilité transnationale.

Lire le texte intégral d'Aurélie Lanctôt sur ledevoir.com

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