Une maladresse dangereuse envers les personnes trans
Envoyé par Lettre ouverte dans le magazine Elle Québec en date du 31 octobre 2021 à 17h14
Lettre ouverte d’artistes et activistes trans et non-binaires au gouvernement Québécois.
(Crédit photo Instagram @khate.lessard | Xavier Tera | Andréanne Gauthier publiée sur ellequebec.com)
Au cœur du projet de loi 2 de Simon Jolin-Barrette, à l’article 23, il est question de changement de nom et de mention du sexe. Plus précisément, il indique que seules les personnes ayant « eu des traitements médicaux et des interventions chirurgicales impliquant une modification structurale de [leurs] organes sexuels et destinés à changer [leurs] caractères sexuels apparents de façon permanente » pourront obtenir un changement légal de la mention du sexe. En pratique, le projet de loi crée une obligation chirurgicale pour les personnes ne voulant pas être identifiées publiquement comme trans.
Or, en moyenne, seulement le tiers des personnes trans entreprennent des opérations d’affirmation de genre sur les organes génitaux (2011 National Transgender Discrimination Survey aux États-Unis). Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles une personne ne voudra, ou ne pourra pas entamer une démarche chirurgicale: personnelles, médicales, financières, religieuses ou autres.
Ce projet de loi prévoit qu’un marqueur de genre soit ajouté, sur demande, à la mention de sexe sur les documents d’identification. Selon ce scénario, une personne trans non-opérée pourrait avoir des marqueurs d’identité de genre conflictuels apposés au même document officiel, rendant public son statut de personne trans ou non-binaire. Personne ne veut subir un coming out forcé… Personne ne veut prendre le risque de se faire stigmatiser par l’administration publique.
Si elle est appliquée, cette loi aura donc des conséquences désastreuses sur le bien-être des personnes trans, non-binaires et intersexes du Québec en leur bloquant le droit fondamental à leur identité, leur vie privée, leur intégrité physique ainsi qu’à leur auto-identification. Cette loi serait d’autant plus discriminatoire envers les personnes trans migrantes ou en situation de handicap, vivant déjà dans des situations de vulnérabilité ou faisant face à d’importants défis administratifs.
Imaginez un instant devoir subir une humiliation quotidienne, alors que votre carte d’assurance-maladie, votre permis de conduire et votre passeport ne reflètent pas votre apparence extérieure ni votre réalité. Imaginez devoir le justifier à tout fonctionnaire, toute personne à qui vous avez affaire. Imaginez maintenant devoir traverser ce calvaire parce que vous avez décidé de ne pas vous faire opérer de manière irréversible.
Forcer qui que ce soit à se faire opérer pour justifier son existence est tout simplement odieux. Demander à une communauté déjà fragilisée, mal comprise et menacée, cela relève de l’inconscience. Déjà, de nombreuses personnes retardent des visites nécessaires chez leur médecin parce que leur apparence ne correspond pas à leur genre légal. Cette nouvelle loi pourrait entretenir ce profond malaise aux lourdes conséquences.
Sachant qu’en 2015, le projet de loi 35 fut mis en action afin de lutter contre la transphobie et faciliter les démarches légales pour les personnes trans ne désirant pas ou ne pouvant pas effectuer de transition médicale ou chirurgicale, sachant que cette loi n’eut que des effets bénéfiques pour notre communauté, pourquoi aujourd’hui reculer? Pourquoi entacher un projet de loi aux impacts généralement positifs pour les familles québécoises, d’une proposition si dommageable, si violente? La question s’impose: des organismes pour les droits des personnes trans ont-ils été consultés avant d’écrire ces quelques lignes si décisives, qui pourraient exercer une pression indue et continue sur des milliers de personnes québécoises?
Il nous semble évident que chaque personne devrait pouvoir disposer de son corps comme bon lui semble. Le discours public par rapport aux personnes trans, non-binaires et intersexes est présentement dominé par les préjugés et les idées préconçues. Dans un contexte aussi hostile, nous avons plutôt besoin d’allié.e.s que de lois contraignantes…
Nous demandons à ce que cet article, et tout autre article discriminatoire envers notre communauté, soit radié du projet de loi. Nous demandons que notre communauté soit consultée pour toute future législation ayant un impact direct sur nos vies. Nous demandons que nos droits fondamentaux soient respectés.
Nous trouvons horrifiant que notre dignité soit atteinte par l’insouciance de politicien.ne.s mal informé.e.s. Nous sommes des sœurs, des frères, des adelphes, des enfants, des conjoint.e.s, des parents, des ami.e.s, des personnes impliquées dans leurs communautés. Nous avons des rêves, des aspirations, des besoins. Nous avons nous aussi le droit de voir l’horizon.
Prenez nos corps à cœur.
Créateur.ice.s de la lettre : Alice Bédard (elle) – scénariste, réalisatrice, productrice, consultante et conférencière sur la représentation trans à l’écran; Chris Bergeron (elle) – autrice et conférencière; Gabrielle Boulianne-Tremblay (elle) – actrice, autrice, poète, porte-parole d’Interligne et conférencière; Henri-June Pilote (il/lui) – créateur de contenu, podcasteur et conférencier.
Co-signé par Hubert Lenoir (il) – auteur, compositeur et réalisateur de musique; Khate Lessard (elle) – conférencière; Alicia Kazobinka (elle) – activiste et conférencière; Danielle Chénier (elle) – activiste et conférencière; Mathieu-Joël Gervais (il, iel) – PhD, professeur à l’Université du Québec à Montréal; Daniel Gosselin (il/lui) – directeur général de Diversité 02; Kama La Mackerel (iel) – artiste, autrice et médiatrice culturelle; Sophie Labelle (elle) – bédéiste et autrice jeunesse; Pascale Bérubé (elle) – autrice et poète; Flora Gionest (elle) – chanteuse et actrice; Michel Lemelin (il/iel) – auteurice; Pascale Cormier (elle) – traductrice, écrivaine et poétesse; Julie Langenegger Lachance (elle/iel) – photographe; Roxane Nadeau (elle) poète, autrice, formatrice en inclusion des femmes trans et personnes non-binaires aux centres d’hébergement pour femmes; Emma Lanteigne (elle/she/her) – travailleuse du sexe; Alexandre Baril (il/lui) – PhD, Professeur à l’Université d’Ottawa; Simon Émond (iel) photographe; Jess Corneau (iel) – podcaster et activiste; Tranna Wintour (elle) – humoriste et écrivaine; Si Poirier (iel) – poète, auteurice et réviseur.e linguistique; Estelle Grignon (elle) – journaliste, directrice musicale et autrice; Ryley Lapointe (elle) – mannequin et artiste multidisciplinaire; Khear Poy (elle) – artiste maquilleuse; Laurie Perron (elle/ya) – podcasteurice, musicienne et scénariste; Alex Lacelle (elle/they) – agente et militante; Dylan Bisson (il/lui) – militant.
– soutenu par Sophie Banford, éditrice et directrice générale, et Joanie Pietracupa, rédactrice en chef, ELLE Québec
#noscorpsacoeur
Pour exprimer votre opposition aux articles problématiques du projet de loi 2
Pour consulter le projet de loi
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-2-42-2.html
Appel du Centre communautaire LGBTQ+ de Montréal
Nous vous encourageons à dénoncer les articles discriminatoires que ce projet de loi comporte, par divers moyens:
Interpelez vos député.es en un clic, grâce à la campagne du Conseil québécois LGBT+
Téléphonez à vos député.es en suivant ces instructions
Pour plus d'informations:
Lettre ouverte d'artistes et activistes trans et non binaire au gouvernement québécois
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