(...) Ignorées du Grenelle des violences conjugales et des propositions de lois qui ont suivi, ces violences font assez peu l'objet d'études en France. Pourtant, une méta-analyse américaine de 2015 avance que de 25% à 40,4% des femmes en couple lesbien et de 26,9% à 40% des hommes en couple gay ont subi des violences conjugales au cours de leur vie. Ces chiffres, équivalents à ceux des femmes en couple hétérosexuel mais bien supérieurs à ceux des hommes en couple hétéro, incluent pareillement les violences physiques, verbales, psychologiques, matérielles ou encore sociales. Pour autant, le silence demeure.
Les victimes elles-mêmes ont du mal à caractériser les comportements problématiques, notamment parce qu'elles ont intériorisé le fait que les violences conjugales seraient uniquement le fait d'un homme sur une femme. «Les violences ne sont pas l'apanage de la domination masculine et peuvent être systémiques dans le couple, pointe la psychologue et sexologue Coraline Delebarre. Il y a un impensé social, avec une construction des rôles sociaux et sexuels de genre qui font que des personnes de même sexe ne pourraient pas être violentes l'une envers l'autre parce qu'elles sont vues comme égales.»
(...) Comme le résume Valérie Roy, professeure titulaire en sciences sociales à l'École de travail social et de criminologie de l'Université de Laval, «il existe une conception hétéronormative de la violence qui fait que l'homme serait nécessairement auteur et la femme victime». Et d'ajouter: «Il y a bien sûr la violence physique, visible et criminalisée mais aussi la violence psychologique qui n'est souvent pas perçue comme telle et demeure invisible jusqu'à ce que le ou la partenaire en vienne finalement aux mains.
(...) Si les violences non physiques ne sont pas l'apanage des couples LGBT+, certains méfaits leur sont propres. «Insulter, faire du chantage, insister pour avoir des relations sexuelles... Les grandes formes de violences se retrouvent partout, constate Valérie Roy. Il existe cependant des particularités liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre, tout particulièrement des menaces d'outing (c'est-à-dire la révélation de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre à des tiers sans le consentement de la personne) ainsi que des insultes ayant trait à l'orientation sexuelle (traiter l'autre de “tapette”) ou à l'identité de genre.»
(...) Mais force est de reconnaître qu'il existe aujourd'hui encore de grosses failles au sein des systèmes d'aide sociale, policiers et judiciaires pour accueillir ces personnes, qu'elles souhaitent porter plainte ou simplement se mettre à l'abri. «Il existe des freins supplémentaires pour une personne LGBTQI+ pour porter plainte, explique Johan Cavirot, président de l'association FLAG! Par exemple, la crainte d'être victime de LGBTQIphobies au sein des structures de la part des policiers ou des gendarmes, celle de ne pas être cru·e en raison des préjugés sociétaux.»
(...) Enfin, il y a aussi des lacunes en matière d'accueil au sein des organisations associatives: «Les structures de mise à l'abri sont non mixtes et destinées uniquement aux femmes, signale Coraline Delebarre. Donc les hommes victimes de violences n'ont nulle part où aller, et les femmes autrices de violences peuvent elles-mêmes entrer dans ces structures où se trouverait leur (ex-)compagne.»
(...) «Lorsque l'on parle de violences conjugales, il est vrai que l'on parle surtout de couples hétérosexuels et de violence d'hommes sur des femmes, souligne Marc. Ce sont les plus nombreuses, personne ne peut le nier. Mais pour l'avoir vécu, au sein d'un couple homme-homme, je sais maintenant que la violence peut prendre d'autres formes et se trouver dans tous les couples. C'est un rapport de domination, une personne qui en prend une autre pour sa propriété, une question de prise d'ascendance psychologique sur quelqu'un et ça, ça n'a pas de sexe. Courage et soutien aux victimes, j'espère sincèrement que vous trouverez la force de parler et surtout l'oreille attentive qui saura vous écouter.»