Pour que vieillir soit gaiAu Canada, il y a plus d’aîné.e.s LGBT que de jeunes LGBT ! Mais où sont-ils ?Julien Rougerie est responsable du programme Pour que vieillir soit gai de la Fondation Émergence. Il signe un article dans Fugues expliquant les raisons de l'invisibilité des personnes âgées LGBT.
Les personnes aînées LGBT ont grandi dans une société extrêmement hostile à la diversité sexuelle et de genre. Beaucoup n’avaient pas d’autre choix que de cacher leur identité pour survivre. Je vous rappelle quelques dates pour se mettre en contexte : les relations homosexuelles étaient passibles d’emprisonnement jusqu’en 1969, ce qui veut dire qu’un homme gai de 80 ans aujourd’hui, a passé les 30 premières années de sa vie comme « criminel ». Aussi, il était légal de discriminer une personne sur la base de son orientation sexuelle jusqu’en 1977 au Québec et 1996 au Canada. Une personne risquait donc, avant ces dates, de se faire refuser un emploi ou des services à cause de son identité, sans avoir de recours légaux. Et c’est seulement le 17 mai 1990 que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) retire l’homosexualité de sa liste des mala-dies mentales (c’est d’ailleurs en référence à cette date que nous célébrons annuellement la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie le 17 mai).
Plus une personne est âgée, plus elle a vécu dans un contexte hostile et plus grandes sont les chances qu’elle divulgue tard, ou même jamais, son orientation sexuelle ou son identité de genre.
Faire son « coming-out » n’est toujours pas évident pour beaucoup, mais il y a quelques décennies, révéler son identité LGBT signifiait devoir s’exposer à un rejet virulent de la part de la société, de sa communauté religieuse, de sa famille, de ses collègues et de ses ami.e.s. Beaucoup des personnes aînées LGBT que j’ai rencontrées ont vécu ce rejet au moment de leur sortie du placard. Il faut aussi prendre en compte les violences verbales et physiques que beaucoup de personnes LGBT aînées ont vécues. Pour celles et ceux qui n’ont pas été directement victimes de telles violences, beaucoup en ont été témoins, ce qui a pu les dissuader de sortir de placard à l’époque (et encore aujourd’hui). Après un parcours de vie où être soi-même les a exposés à du rejet ou à différents types de violences, il est compréhensible que beaucoup de nos aîné.e.s hésitent avant de divulguer leur identité.
En plus de tout ça, il faut admettre que nous vivons dans une société qui n’accorde pas beaucoup de place et de valeur à nos aîné.e.s. D’ailleurs, nos communautés LGBT ne font pas exception quant à l’âgisme. L’ensemble de la population aînée est ainsi souvent marginalisée, invisibilisée ou réduite à des stéréotypes qui laissent peu de place à la diversité.
L’un des préjugés des plus présents dans les milieux aînés consiste à réduire les enjeux des personnes LGBT à une simple question de sexualité. Et comme la sexu-alité des aîné.e.s est taboue et donc considérée comme inexistante, l’orientation sexuelle des aînées n’est pas considérée pertinente. L’idée étant que si la libido diminue avec l’âge, l’homosexualité s’estomperait également… Tout ça est bien sûr faux!
Plusieurs études confirment que cette invisibilité a de lourdes conséquences sur le bien-être des personnes aînées LGBT : isolement, maltraitance, problèmes de santé mentale, etc. Le sentiment de devoir cacher son identité constitue aussi un obstacle pour accéder aux services sociaux, de santé ou de loisir.
Pour faire face à cette situation, le programme Pour que vieillir soit gai, dont je suis responsable, a été créé par la Fondation Émergence en 2009. Parce qu’une acceptation passive de la diversité sexuelle n’est pas suffisante pour rendre les milieux réellement inclusifs et accueillants, je donne des formations dans les milieux aînés et j’y distribue nos outils de sensibilisation. Si vous voulez en savoir plus sur notre programme Pour que vieillir soit gai,visitez le site de la Fondation.
Julien Rougerie
julien.rougerie@fondationemergence.org
|