www.fugues.com/main.cfm?l=fr&p=100_article&article_ID=24706Il s'appelait Éric Lembembe. Son corps sans vie a été retrouvé le 15 juillet dans son appartement de Yaoundé, sauvagement torturé au fer à repasser et battu jusqu'à ce que mort s'ensuive. Lui qui défendait les homosexuels devant les tribunaux - ils risquent cinq ans de prison au Cameroun - n'a eu personne pour plaider sa cause. Un mystérieux bourreau lui a infligé une mort atroce. Une façon de « finir le travail » de ceux qui avaient incendié, en juin, le siège de son ONG, qui offrait des soins aux homosexuels infectés par le sida.
Cette année, le jeune militant est la seconde victime du délire homophobe qui a saisi une partie de la population camerounaise. En janvier, un commerçant de Maroua, dans l'Extrême-Nord, a lui aussi été battu à mort - par une foule furieuse qui le soupçonnait d'homosexualité.
Les mois passent, mais l'étrange fièvre ne baisse pas. Inutile de compter sur la presse. Au contraire, elle prend parti, parlant de « déviances » et prônant la « normalité » hétérosexuelle, faisant fi des violences infligées aux victimes. Quant aux intellectuels, ils détournent le regard et se taisent pendant que la société bascule, déshumanisant une catégorie de citoyens abandonnée à la vindicte populaire à cause de ses préférences sexuelles.
Des gens ordinaires se disent homophobes et fiers de l'être, comme si cette intolérance était - par contraste - un gage de virilité. Sans perspectives d'emploi, les jeunes croient combattre un réseau de connivence permettant aux médiocres de trouver du travail ou de gagner de l'argent en monnayant leur corps à des personnes de même sexe. Comme s'ils réservaient aux seuls hétérosexuels le droit de négocier leurs charmes par intérêt.