Immigration Canada utilise un système informatique opaque pour analyser les multiples demandes de permis d’études, ce qui provoque la colère d'élus québécois.
(...) « C’est très grave », lance le député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe.
M. Brunelle-Duceppe ne mâche pas ses mots contre le gouvernement de Justin Trudeau et contre Immigration Canada, qui refuse massivement les demandes de permis d’études déposées par des étudiants étrangers francophones, principalement en Afrique, qui souhaitent venir au Québec.
« Ça n'a pas de bon sens. Encore une fois, c’est le Québec qui écope. Ce sont les francophones qui écopent. Et ce sont des étudiants africains qui écopent. »
Le taux de refus des demandes destinées au Québec est nettement plus élevé que celles déposées dans les autres provinces canadiennes, a appris Radio-Canada. Ce taux atteint ou dépasse même les 80 % dans certains pays d'Afrique francophone.
(...) Assurément qu’on est devant une situation de discrimination. Je ne vois pas comment on pourrait penser le contraire, affirme Alexis Brunelle-Duceppe.
(...) Le gouvernement du Québec ne cache pas, lui non plus, son vif mécontentement. Après avoir tout d'abord demandé des clarifications, le ministre provincial de l’Immigration, Jean Boulet, a haussé le ton contre Ottawa après la diffusion du reportage de Radio-Canada.
À ses yeux, ces taux de refus massifs sont inacceptables et discriminatoires.
(...) Le Parti québécois a adopté un point de vue identique : Si Immigration Canada voulait nuire aux efforts du Québec pour attirer des étudiants francophones dont on souhaite qu’ils s’établissent ensuite ici, il n’agirait pas autrement , dénonce la députée Méganne Perry Mélançon.
Cette situation est intolérable, juge avec véhémence le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice.
« [Ce système] semble bel et bien faire de la discrimination systémique. Nous demandons des correctifs rapidement et plus de transparence de la part du ministère. » Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD.
Comment des étudiants étrangers francophones sont refusés par Ottawa
Mathieu Piché est dépité. Depuis des mois, ce professeur du Département d’anatomie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) tente de recruter des étudiants étrangers pour son laboratoire de recherche.
Mais il se heurte, sans arrêt, au ministère fédéral de l’Immigration (IRCC), qui refuse en bloc les demandes de permis d’études de ces derniers, malgré l’approbation initiale de Québec.
Les motifs de refus sont ridicules, juge-t-il. Il évoque l’exemple d’une médecin en Algérie, qui souhaite réaliser une formation à ses côtés. Elle a un travail dans son pays, un statut important, mais Immigration Canada a refusé sa demande en disant ne pas croire à son retour dans son pays, après ses études.
(...) J’essaie de recruter des étudiants étrangers hyper qualifiés. C’est bien pour le Canada, c’est une compétence et une expertise qui enrichissent notre pays. Ils peuvent ensuite rentrer chez eux ou rester ici. Il n’y a rien de mal à ça, bien au contraire, estime le chercheur.
(...) Au Maghreb et particulièrement sur la côte ouest africaine, francophone, obtenir un permis d’études pour le Canada s’apparente au parcours du combattant. Les refus frôlent parfois les 100 % selon les secteurs, détaille l'avocate en immigration Krishna Gagné.
Il y a de fortes demandes dans ces régions pour venir au Québec, mais il y a très peu d’acceptation. Ça a augmenté depuis quelques années et c’est très problématique, indique-t-elle.
Par exemple, les taux de refus des étudiants provenant d’Algérie, de la République démocratique du Congo, du Togo, du Sénégal ou du Cameroun avoisinent ou dépassent allègrement les 80 %, révèle une compilation de ces données, obtenue par Radio-Canada.
À titre de comparaison, les demandes faites de France, du Royaume-Uni ou d'Allemagne sont quasiment toutes acceptées. Celles provenant d’Inde - qui ont connu un bond important au cours des dernières années - sont aussi majoritairement acceptées.
Krishna Gagné jure pourtant envoyer à Immigration Canada des dossiers optimisés. Il s'agit, dit-elle, de preuves financières importantes, de biens immobiliers et de liens avec le pays d’origine.
Mais on a toujours les mêmes réponses pour le refus, clame-t-elle. C’est vraiment troublant. On reçoit des motifs envoyés en vrac et c’est choquant.
« La question se pose : y a-t-il un biais discriminatoire envers les étudiants africains à Immigration Canada? »