Algérie : Condamnations collectives pour homosexualité

Envoyé par Human Rights Watch / via ALGI en date du 19 octobre 2020 à 20h17
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Un manifestant algérien tient le drapeau national lors d’une manifestation contre le gouvernement à Alger,
le 29 novembre 2019. © 2019 AP Photo/Toufik Doudou

(Beyrouth) – Le 3 septembre 2020, un tribunal algérien a condamné deux hommes à des peines de prison et 42 autres personnes à des peines avec sursis à la suite d’arrestations massives par la police dans le cadre d’un « mariage gay » présumé, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les autorités devraient annuler les actes d’accusation et remettre immédiatement ces personnes en liberté.

Le 24 juillet 2020, après des plaintes de voisins, la police a effectué une descente dans une résidence privée à el-Kharoub, un district de la province de Constantine, dans le nord-est de l’Algérie. La police y a arrêté 44 personnes, neuf femmes et 35 hommes, pour la plupart des étudiants inscrits à l’université. Un avocat algérien travaillant sur cette affaire a déclaré à Human Rights Watch que le tribunal s’était appuyé sur des rapports de police faisant état de décorations, de fleurs et de pâtisseries indiquant qu’un mariage était célébré, et sur l’allure prétendument gay des hommes présents, comme preuves de leur culpabilité.

« Que les autorités algériennes s’en prennent aux libertés individuelles n’a rien de nouveau, mais arrêter des dizaines d’étudiants en raison de leur orientation sexuelle présumée est une violation flagrante de leurs droits fondamentaux », a déclaré Rasha Younes, chercheuse auprès du programme Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Human Rights Watch. « Elles devraient immédiatement remettre en liberté les deux hommes emprisonnés qui seraient libres aujourd’hui sans les lois algériennes régressives contre l’homosexualité. »

Le tribunal a reconnu les 44 personnes coupables de « relations homosexuelles », d’« outrage public » et de « mise en danger d’autrui par la violation des mesures de quarantaine relatives au Covid-19 ». Deux hommes ont été condamnés à trois ans de prison et à une amende, et les autres personnes à un an avec sursis.

Ces condamnations portent atteinte au droit à la vie privée en vertu du droit international des droits humains. Un droit également reflété dans la Constitution algérienne, qui prévoit la protection de « la dignité » et de la vie privée d’une personne, y compris la confidentialité de son domicile, de ses communications et de sa correspondance. Les condamnations des 44 personnes pour « relations homosexuelles » montrent que la discrimination exercée par les autorités algériennes à leur encontre tient à la perception de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, a constaté Human Rights Watch. Leur pourvoi en appel n’a pas encore été programmé.

En Algérie, les relations homosexuelles sont passibles de deux ans de prison maximum en vertu de l’article 338 du code pénal. En outre, l’article 333 durcit la peine pour outrage public à la pudeur, qui passe de six mois à trois ans de prison plus une amende, dans le cas d’« acte contre nature avec un individu du même sexe», que ce soit entre hommes ou entre femmes.

Les arrestations pour délits « moraux » qui impliquent des rapports sexuels consensuels entre adultes dans un cadre privé constituent une violation du droit international des droits de l’homme, notamment des droits à la vie privée, à la non-discrimination et à l’autonomie corporelle, qui sont protégés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Algérie est État partie. L’Algérie a également ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), qui affirme le droit à la non-discrimination, et est membre de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Cependant, la loi algérienne ne prévoit pas de protections contre la discrimination lorsque celle-ci est fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

En outre, l’Algérie a une loi qui interdit dans ce pays l’enregistrement des organisations dont les objectifs sont jugés incompatibles avec la « moralité publique » et impose des sanctions pénales aux membres d’organisations non enregistrées. Cette loi présente des risques pour ceux qui souhaitent former ou devenir actifs au sein d’organisations de défense des droits des personnes LGBT, ainsi que pour les organisations de défense des droits humains qui pourraient autrement soutenir de telles activités. D’après une analyse datant de 2019 de l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersexual Association (ILGA), les lois régissant les organisations non gouvernementales en Algérie rendent pratiquement impossible l’enregistrement légal des organisations travaillant sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

À la lumière des risques posés par la pandémie de Covid-19 dans les lieux de détention, Human Rights Watch a recommandé aux gouvernements de s’abstenir de procéder à des arrestations suivies de détention pour des infractions mineures qui n’impliquent pas le fait d’infliger ou de menacer d’infliger des blessures corporelles graves et de perpétrer des agressions sexuelles ou un préjudice physique. Les autorités devraient également remettre en liberté toute personne en détention provisoire, à moins qu’elle ne présente un risque spécifique et connu de préjudice à autrui qui ne pourrait être contenu autrement que par la détention.

Depuis mars, les autorités algériennes ont interdit tous les rassemblements en vue de ralentir la propagation du Covid-19. Rompre les mesures de quarantaine et de distanciation sociale pour prendre part à un regroupement ne justifie pas des arrestations arbitraires ni une détention provisoire prolongée, a déclaré Human Rights Watch.

« Alors que les Algériens continuent de revendiquer leurs droits fondamentaux à manifester, les autorités consacrent leur temps et leurs ressources à réprimer les étudiants et à multiplier des accusations discriminatoires à leur encontre », a conclu Rasha Younes. « Au lieu de surveiller la vie privée de ses citoyens, le gouvernement algérien devrait entreprendre des réformes, notamment en dépénalisant les relations homosexuelles. »

Source : (Beyrouth) – Le 3 septembre 2020, un tribunal algérien a condamné deux hommes à des peines de prison et 42 autres personnes à des peines avec sursis à la suite d’arrestations massives par la police dans le cadre d’un « mariage gay » présumé, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les autorités devraient annuler les actes d’accusation et remettre immédiatement ces personnes en liberté.

Le 24 juillet 2020, après des plaintes de voisins, la police a effectué une descente dans une résidence privée à el-Kharoub, un district de la province de Constantine, dans le nord-est de l’Algérie. La police y a arrêté 44 personnes, neuf femmes et 35 hommes, pour la plupart des étudiants inscrits à l’université. Un avocat algérien travaillant sur cette affaire a déclaré à Human Rights Watch que le tribunal s’était appuyé sur des rapports de police faisant état de décorations, de fleurs et de pâtisseries indiquant qu’un mariage était célébré, et sur l’allure prétendument gay des hommes présents, comme preuves de leur culpabilité.

« Que les autorités algériennes s’en prennent aux libertés individuelles n’a rien de nouveau, mais arrêter des dizaines d’étudiants en raison de leur orientation sexuelle présumée est une violation flagrante de leurs droits fondamentaux », a déclaré Rasha Younes, chercheuse auprès du programme Droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Human Rights Watch. « Elles devraient immédiatement remettre en liberté les deux hommes emprisonnés qui seraient libres aujourd’hui sans les lois algériennes régressives contre l’homosexualité. »

Le tribunal a reconnu les 44 personnes coupables de « relations homosexuelles », d’« outrage public » et de « mise en danger d’autrui par la violation des mesures de quarantaine relatives au Covid-19 ». Deux hommes ont été condamnés à trois ans de prison et à une amende, et les autres personnes à un an avec sursis.

Ces condamnations portent atteinte au droit à la vie privée en vertu du droit international des droits humains. Un droit également reflété dans la Constitution algérienne, qui prévoit la protection de « la dignité » et de la vie privée d’une personne, y compris la confidentialité de son domicile, de ses communications et de sa correspondance. Les condamnations des 44 personnes pour « relations homosexuelles » montrent que la discrimination exercée par les autorités algériennes à leur encontre tient à la perception de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre, a constaté Human Rights Watch. Leur pourvoi en appel n’a pas encore été programmé.

En Algérie, les relations homosexuelles sont passibles de deux ans de prison maximum en vertu de l’article 338 du code pénal. En outre, l’article 333 durcit la peine pour outrage public à la pudeur, qui passe de six mois à trois ans de prison plus une amende, dans le cas d’« acte contre nature avec un individu du même sexe», que ce soit entre hommes ou entre femmes.

Les arrestations pour délits « moraux » qui impliquent des rapports sexuels consensuels entre adultes dans un cadre privé constituent une violation du droit international des droits de l’homme, notamment des droits à la vie privée, à la non-discrimination et à l’autonomie corporelle, qui sont protégés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Algérie est État partie. L’Algérie a également ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), qui affirme le droit à la non-discrimination, et est membre de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Cependant, la loi algérienne ne prévoit pas de protections contre la discrimination lorsque celle-ci est fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

En outre, l’Algérie a une loi qui interdit dans ce pays l’enregistrement des organisations dont les objectifs sont jugés incompatibles avec la « moralité publique » et impose des sanctions pénales aux membres d’organisations non enregistrées. Cette loi présente des risques pour ceux qui souhaitent former ou devenir actifs au sein d’organisations de défense des droits des personnes LGBT, ainsi que pour les organisations de défense des droits humains qui pourraient autrement soutenir de telles activités. D’après une analyse datant de 2019 de l’International Lesbian, Gay, Bisexual, Trans and Intersexual Association (ILGA), les lois régissant les organisations non gouvernementales en Algérie rendent pratiquement impossible l’enregistrement légal des organisations travaillant sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre.

À la lumière des risques posés par la pandémie de Covid-19 dans les lieux de détention, Human Rights Watch a recommandé aux gouvernements de s’abstenir de procéder à des arrestations suivies de détention pour des infractions mineures qui n’impliquent pas le fait d’infliger ou de menacer d’infliger des blessures corporelles graves et de perpétrer des agressions sexuelles ou un préjudice physique. Les autorités devraient également remettre en liberté toute personne en détention provisoire, à moins qu’elle ne présente un risque spécifique et connu de préjudice à autrui qui ne pourrait être contenu autrement que par la détention.

Depuis mars, les autorités algériennes ont interdit tous les rassemblements en vue de ralentir la propagation du Covid-19. Rompre les mesures de quarantaine et de distanciation sociale pour prendre part à un regroupement ne justifie pas des arrestations arbitraires ni une détention provisoire prolongée, a déclaré Human Rights Watch.

« Alors que les Algériens continuent de revendiquer leurs droits fondamentaux à manifester, les autorités consacrent leur temps et leurs ressources à réprimer les étudiants et à multiplier des accusations discriminatoires à leur encontre », a conclu Rasha Younes. « Au lieu de surveiller la vie privée de ses citoyens, le gouvernement algérien devrait entreprendre des réformes, notamment en dépénalisant les relations homosexuelles. »

Source : https://www.hrw.org/fr/news/2020/10/15/algerie-condamnations-collectives-pour-homosexualite


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