L'Ombre du Matadore
Le ciel faisait l'oeil blanc Après une nuit dehors Et les corbeaux tiraient de l'aile De leur vol bas
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La fureur du sceptre n'est pas encore soulevée et l'âme de la clairière file une pure gemme sur les loques de l'enfance Au pays de l'éther comme tu es tranquille dans ta vertue primitive et la mort aurait pu venir te laisser un sourire au coin de l'élan battu de sa pure ardeur
Tout se prolonge en rimes échasses ponctuant le temps de ma peau immobilisée mais d'un goût d'étincelles anticipé Auxires passées j'éclate les bords de ces vestiges effacés je ne perçois plus l'orée des espaces ainsi transpercé j'éclabousse les néants éphémères éperdu fragile et absent vers plus tard je trébuche sur tant d'inconnu
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8 avril 1996
Les mains au visage bousculées par l'immense peur dans les cris éclatants de la nuit heurtent de partout la cuirasse frêle
Où va-t-on sur ma galère à peine dégraffée et les écueils surnageant quelque part dans les sombres perspectives des voix civilisées Ou serait-ce à deux pas du soleil luisant Cette nature incandescente même paraît terne sous les lourds voiles de mon âme en friche d'un bord de l'autre ballotée cernée par ces nuées d'ombres mouvantes tout ce temps à vivre au devant vers l'infini et le désir de connaître un sens le sens de ces tourmentes vite et pourtant languissant blessé d'impuissance Le concevable s'esquive
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Hilare aux poutres vermeilles quelle magie imprègne tous ces changements se querellent mes pores assoiffées et je clenche en moi-même dans une secousse lente À coup de pierre à coup de dent tiraillent ces vertèbres sans répit assoupies au corps ancien.
Mais que va-t-il advenir de ces chants virginaux de ces jeunes années noire transparence et filtre spontanés simple coeur des lieux musiciens étouffés
Ah! goût de poudre et de sueur trame du cercle volcanique de l'existent tant de choses s'échappent au revers de l'instant et je m'endors
__________________________________________ 22 avril 1996
À moi! Je me haïs sans recours aux parois sauvages de l'oubli errant sur les faces esquissées de l'illusion se brisent mes veines refluées et d'estoc en bave tatonnent mes doigts
Et ces yeux invertis injustice, non cruauté malaise et souelerie, non Que vois-je encore tant d'arts couverts de feu et de radiations neutres tout cela se partageant l'envers et le beau sans trancher pour l'un ou l'autre La peur éteint le souffle étend l'incise couleur d'incertitude sous la nappe des brouillards Et pourtant je me rappelle les signes impalpables des émotions inattendues surgis d'on ne sait où comme la rumeur sourde d'une source à venir
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29 avril 1996
Je cloche épris sur l'ébauche d'une entrave assourdie Je jouis amer sous la cape humide de cette nouvelle effervescence soumis à l'inévitable remous des kaléidoscopes fluides de ces langues rougies
Il fait si chaud au coeur de l'ordure que la pourriture mute et germerait en une pièce fleurie à la bordure transparente Ah! je souffle Ah! je fuis dans ce plaisir à l'agonie en quête de virages inaudibles inassouvis et le bonheur de se reconnaître une chaleur une forme qui rapproche de l'être le vrai visage le tenir devant soi pour en briser le verre et humer les parfums et les ivresses Ici ici se joue l'angoissante rencontre d'un miroir et de son double
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6 mai 1996
La neige éclôt à l'aube des entrailles sans teinte Je goûte une saveur escarpée un germe brûlant rance sous les bayadères du regard et je cherche ton nom maintenant que se balbutie le mien Je te dévore avant de te connaître anticipée Inconnue et ivre de peur j'entends un chaos gémir au-delà des nombres La montagne ténébreuse n'offre aucune prise à mes yeux est-ce une mer, un rocher un obstacle que ce fer tendu au travers de mon corps
Fuir au détour en s'arrachant le front de cette poigne aigue et reculer au-dehors vers un soutien mélodieux un sursis oui! du repos et de l'espace des sursauts de délices qui fouillent le fond des enfers
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13 mai 1996
Mais je te frappe portail conscrit la tête ailleurs emportée dans des rêves qui molestent mes désirs tes eaux limpides parcourent mon échine et noient le feu de mes doutes Trop de rires, trop de pleurs enchevêtrés tissent ma folie Mais je te frappe encore plus loin que mon sommeil comme un seul recours une seule épreuve
Me souviendrais-je de tes affres lorsque le meurtre abritera mon exil déjà mon enfance ne m'appartient plus et ma mémoire s'est maquillée d'une lenteur décisive avant que ne s'estompent les rides sur ma dépouille fanée
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20 mai 1996
La mort chancelle sous le poids de sa nouvelle faux je glisse haletant sur l'ombre qui me couvre de sa voix avide et beige et la distance épèle mes membres dans le silence de ses lèvres
Avoir si soudainement compris l'anxiété de cette mort réveillée comme une armée de pièges dans l'éternité de l'absence soudainement entrevu un néant fastueux que l'esprit se révolte à l'accueillir Les temps s'oppressent vers une issue en zébrant les ténèbres féroces de mon étroite carcasse d'une tension fébrile arrachant les gonds perclus de ma solitude
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27 mai 1996
Là-bas les peuples s'amoncellent en hécatombes faibles pailles sur les masques grandioses de la comédie humaine Justice sur ces fronts vitrifiés et violences sur leurs bras tracés comme les terribles vestiges des complots ourdis
Et j'écoute l'écho de leurs chairs nues flamboyer dans le couloir de l'infini je les suis au loin les coups les bruits et les gigantesques méandres de l'histoire suspendus en croix sur leur poitrine et leurs joues escarpées sans faïence leur tête qu'on coupe et ces troupeaux assis étendant leur présence millénaire
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3 juin 1996
Et pourtant les légendes évoquent des ancêtres aux foulées enfouies des pêcheurs râpés par la mer dont le jargon harangue les flots des paysans et des montagnards aux gestes percutants et calmes et des madones rougeaudes et chaleureuses que les invectives des saisons n'injurient pas
Quelquefois encore se hisse un nom simple se croisent des présences étoilées où se gonfle la richesse de la bienveillance Mais j'aime ces crêtes exhalées loin des sables indiscrets de l'apparence j'aime cet or mouvant qui se dérobe aux opulentes divinités et heurte l'absurdité de la tristesse au-delà des blessures du cercle des races éphémères
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10 juin 1996
Et enveloppé de nuit j'erre sur le bord des socles des mondes contemplant les cieux féconds virevolter de lueurs instables les pas liés pesants aux rochers organiques des rivages entre lune et terre suspendu peuplier embrassé tendu en appui cette voûte de brises mouvantes qui balaient l'étendue à perte de regards jusqu'au blafard lumineux et je tressaille sur la rampe du vide renversé aspiré démesuré à peine maintenu par le cri des goélands dans cette somnolence transie
Alors s'enflamment les pans terreux de cet émoi étrange
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17 juin 1996
Mes pensées fuient les rives de ma gorge succombent aux impressions de l'espace écarté
Ah! déchire-moi, solitude qui éloigne cette puissance que je ne comprends pas Et je sens ailleurs cette vérité qui s'échappe des grilles de ma gangue cette confiance gémissante et cloîtrée qui n'apparaît pas mais teint les clos impénétrables des autres une certitude qui semble leur appartenir et dont la privation secrète fait jeter des hurlements un spectacle pénétrant qui se déroule indéchiffré dans la morte saveur des poèmes innocents des veilles suspectes déjà ensevelies sans moi devant le fourreau de cette absence
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24 juin 1996
J'ai quitté mon abri en quête de cycles nébuleux et d'un commencement endormi j'ai rongé la mélopée de mes amarres la routine meurtrie des pas allongés récité les gestes rapides du feu Je me suis tordu dans l'antre du temps pour effacer ma gêne atterrée anéantir l'inconfort des pierres glacées Je me suis changé en arbre chevelu balancé ma peine en fermant les yeux comme des boucles dans le crepuscule bleu et enfoncé mon corps dans l'espoir qu'au devant plus tard à la suite du déplacement des constellations surgirait un signe un appel de l'écume des ténèbres
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1er juillet 1996
Près de mes traces j'ai calciné mes rêves endurcis et récité la centilène de l'épervier en un vol cruel et abrupt j'ai palpé à grands cris les parois de ma cécité et mesuré à chaque rappel les métamorphoses de la proche réalité
Mais ôtez-vous étranglants orages qui assiégez l'angoisse et l'ambition conjointes que j'émerge et affirme l'ampleur de ma stature Déplier la tension acculée à l'assassinat et l'inhibition déguingandée de ma névrose débarrasser l'huile de sa rancune et l'excitation timide de sa conscience tarée
Et je secoue les buissons du sommeil comme des maillons sonores fracassant leurs dalles pour renverser la fureur des égarements
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15 juillet 1996
La secousse se répand nerveuse dans l'angle usée des coutumes entendues déréglée dans sa vitesse croissante s'emporte se retourne hésitante et s'arrête inquiète
Je me dresse comme un goût de liberté pour que s'envolent les écailles de ma geôle et mon cou palpite de vervaine lapidaire aux fresques inespérées de grands espaces intérieurs d'une levée des contraintes d'un éclatement des bornes glissantes Que se dessine donc devant ma faim inassouvie le récit de la liberté astreinte sans tarir aux détails les plus minces Mais le choc de cette nudité est parfois trop vain au seuil de la chair suspecte
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23 juillet 1996
Je rejoins mon île dans le froid de la rafale Je me suis enfoui sous l'humus de ma poitrine pour que s'oublie le souffle mouillé de mes chimères Ma colère s'est ramenée vers ma faiblesse et dans l'étreinte de l'inutile se sont jouées comme avant les crises de ma détresse
Silence à jenoux contre les murs de l'âtre à observer le feu danser insouciant sur les braises vivantes le soir revient encore masquer les recoins désordonnés de mon âme défaite régressée appuyée sur une invalide tristesse la fleur et la pierre entremêlées d'incertitude
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30 juillet 1996
Et dans la proximité de l'intelligence git le réel articulé comme un rideau flasque dont l'inertie déconcerte déroute le vertige des heure2s implacables
La réalité est là immobile remuée seulement par le vent la pluie inclinée dans une espèce de germination lente où elle semble déposée en attente et le temps qui seul chavire et manie cet immense décor suspendu laisse les changements creuser avec douceur des arabesques continues d'un vide inexpliqué sans considération évidente Pourtant le tangible dépasse l'idée qu'on s'en fait exige une attention accrue une écoute non équivoque
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9 août 1996
Des liens immobiles fixent mon repos d'un joug subtil Des poussières d'irréalité accentuent l'écran stérile de l'illusion avide et replient de ses fruits détestés la façade subjective de mes complexes
Eeeh! que se réfléchissent les failles de mes cloisons mentales ma jeunesse courtise l'admirable fougue d'une indépendance falsifiée Aaah! je perfore des limites insensibles je désincarne mes pulsions surmenées et mes appétits fatigués durent durent détériorés Mais le heurt devenu cloaque devient un désir dont les pâles lambris forment des quantités de contorsions vagues et changeantes
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6 septembre 1996
Je veux vivre exulter de ma propre cadence et libeller mes gestes de l'autorité du corps faisandé et comme seules racines les ravages interdits de l'étreint s'écoulent les tièdes falaises imposées au son du cor et les impostures redoutables ne pourront plus rien contre le réverbère de ma franchise
Que suis-je donc affaissé entre la peur et la ruse résorbé dans mes actes noués Qui revient constamment confondre ce solstice errant dans la beauté des étoiles restitue l'envoûtement fragile d'une lyre pourpre au couchant
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9 décembre 1996
Je suis le fils qui défie son père et hurle l'écartellement de ma soif car j'ai fini d'incliner le chant et l'arme de mes paumes tendres devant la dague de l'ordre abruti de qui s'installa le fragment de l'origine de mes jours
À l'heure des cailloux dans cette maison de lave j'ai cueilli l'amer et le ton de la révolte j'ai vu le regard figé le courroux l'opprobe et au fond de ma vie je sentais se coincer des étaux comme si j'arrachais de la chair à ma chair et du sang à convulser ma coulpe Mes paroles fêtaient un hymne excessif et giclaient inattendues à même la violente ébullition
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23 décembre 1996
Il a bien fallu s'en remettre
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