Voici la lettre que nos organismes ont envoyé au ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada. Cette lettre appelle le Ministre à revenir sur le refus de son ministère d'accorder un visa de séjour à Monsieur Rami Ayari, militant tunisien pour les droits de la personne, en particulier pour les droits des LGBT (lesbiennes, gais bisexuels et transgenres). Cette invitation à participer à un panel universitaire devait se poursuivre par une tournée des organismes de la société civile et des médias dans le cadre des activités entourant la Journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie.
Cette lettre n'a reçu, à ce jour du 12 mai 2016, ni réponse, ni accusé de réception. Voilà pourquoi nous la rendons publique afin que tous et chacun qui adhèrent à cette requête s'en fasse le porte-parole. Merci.
Montréal, 2 mai 2016
À l'intention de l'honorable John McCallum, ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada.
De :
Association des lesbiennes et des gais sur Internet ;
Centre communautaire des gais et lesbiennes de Montréal ;
Chaire de recherche sur l'homophobie de l'UQAM ;
Chaire UNESCO d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique, UQAM ;
Coalition des familles LGBT ;
Conseil québécois LGBT ;
Fondation Émergence
Gai Écoute.Objet : Demande de visa pour la tournée au Québec de Monsieur Mohamed Rami Ayari, président de l'association tunisienne Without Restrictions et défenseur des droits des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres (LGBT) en Tunisie.
Monsieur le Ministre,
Dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie du 17 mai prochain, deux chaires universitaires de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), et 6 associations des communautés LGBT du Québec se sont unies pour organiser une série d'activités pour soutenir le mouvement démocratique en Tunisie.
Rappelons que, suite à la nouvelle constitution tunisienne adoptée en 2014, plusieurs associations tunisiennes se sont formées pour demander l'abolition de l'article 230 du Code pénal qui criminalise l'homosexualité en Tunisie. Or, non seulement le gouvernement tunisien refuse jusqu'à ce jour de modifier son Code pénal pour le rendre conforme à la nouvelle constitution, mais il a amplifié la répression contre les personnes homosexuelles, tout particulièrement les jeunes, et l'État ferme les yeux devant les menaces et les propos haineux homophobes.
Pour comprendre cette détérioration du respect des droits humains en Tunisie et pour soutenir, ici même, la mouvance démocratique tunisienne, nos organismes ont invité Mohamed Rami Ayari, président fondateur de Without Restrictions, un des groupes qui revendiquent la fin de la criminalisation de l'homosexualité en Tunisie.
Sachant très bien dans quel état précaire se trouvent ces jeunes défenseurs des droits des minorités sexuelles en Tunisie, nos organismes ont constitué un fonds et la Fondation Émergence se porte garante des dépenses associées à la venue de Monsieur Ayari. En plus de la participation du président de Without Restrictions à un panel organisé par Chaire UNESCO d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique, nos associations organisent une tournée, dans nos communautés et dans les médias. Cette tournée a pour objectif de permettre à Monsieur Ayari de parler de la situation des LGBT et de l'homophobie en Tunisie, et de la revendication décriminalisation de l'homosexualité en Tunisie. Pour nos organismes, cette problématique relève essentiellement de la défense des droits de la personne et de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.
Au début d'avril, nous avons sollicité la députée de notre circonscription, Madame Hélène Laverdière, pour qu'elle intervienne auprès de votre ministère afin que la demande de visa de Rami Ayari soit traitée équitablement et dans les plus brefs délais.
C'est donc avec stupéfaction que nous apprenons, à quelques jours du début de la tournée de Monsieur Ayari1, que son visa de séjour au Canada a été refusé par les Services de visas de l'ambassade du Canada à Tunis. Essentiellement, la lettre de refus du visa invoque des raisons économiques et familiales.
La lettre mentionne que Monsieur Ayari n'a pas voyagé antérieurement. La lettre soulève la question de ses liens familiaux au Canada et en Tunisie, la question des perspectives d'emploi en Tunisie, de sa situation actuelle en matière d'emploi, de ses biens mobiliers et de sa situation financière.
Dans le cas de Monsieur Ayari, l'application de ces critères relève d'une discrimination systémique qui pénalise un groupe ciblé, soit les jeunes, et tout particulièrement les jeunes personnes homosexuelles. Voici pourquoi.
Rami Ayari a eu 23 ans le 1er avril dernier. Comment peut-on demander à un jeune homme de cet âge d'avoir un compte de banque bien garni et des biens mobiliers ? Comment peut-on faire porter à un jeune le fait que la Tunisie soit en crise économique avec ces attentats terroristes qui ont littéralement détruit l'industrie touristique dans ce pays ? Avec de tels critères économiques, que va-t-il arriver au forum social mondial qui se tiendra en août à Montréal avec des centaines de participants qui auront un profil semblable à celui de notre invité : la jeunesse et la provenance d'un pays économiquement faible, et de petits boulots accompagnant leur militance pour une société meilleure ?
Mais il y plus. Quand on est une personne homosexuelle dans un pays qui nous considère comme un criminel, un paria et un dégénéré, et où l'homophobie est dominante, il est bien difficile pour un jeune de faire carrière. Et cela, c'est sans parler du rejet par la famille qui subit l'opprobre par association avec l'homosexualité de son enfant. Monsieur le Ministre, êtes-vous conscient que l'application aveugle de ces critères économiques participe elle-même à la discrimination envers des groupes sociaux vulnérables ?
Les militants pour les droits LGBT en Tunisie devraient avoir droit, au contraire, à notre admiration pour ce difficile combat qu'ils mènent pour l'égalité et la dignité. Ces militants aiment leur pays. Ils ont participé activement à la révolution du Jasmin et veulent simplement avoir le droit de vivre comme tous les citoyens de leur pays.
Ce qui nous heurte tout particulièrement, en tant qu'organismes de la société civile qui croient à la société de droit, c'est que, Monsieur le Ministre, ces critères discriminatoires aboutissent à une situation de deux poids, deux mesures. Tandis qu'on refuse à Monsieur Ayari un visa pour participer à des forums pour l'égalité, la même ambassade accorde un visa à un homophobe tunisien notoire qui a tenu des propos inqualifiables très récemment dans un débat télévisé en Tunisie où participait Ahmed Ben Amor, le vice-président de Shams, une autre des associations pour l'égalité des LGBT en Tunisie2.
Ce double standard appliqué par le Service des visas de l'ambassade canadienne à Tunis provoque énormément de grogne en Tunisie comme ici : en pleine campagne entourant la Journée internationale de lutte contre l'homophobie et la transphobie, le message qui est perçu, c'est que le Canada admet les ténors de l'homophobie et bloque les défenseurs des droits LGBT. J'imagine, Monsieur le Ministre, que ce n'est pas le message que votre gouvernement souhaite diffuser.
Monsieur le Ministre, permettez-nous de solliciter une intervention urgente de votre part afin d'accorder un visa de séjour temporaire à notre invité en conformité avec les principes humanitaires et de justice affirmés par votre gouvernement.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos sentiments distingués.
François Daoust,
président, ALGI info@algi.qc.cawww.algi.qc.caChristian Tanguay, directeur général du CCGLM et de la BALO
514-528-8424 www.ccglm.org info@ccglm.orgMona Greenbaum, directrice générale, Coalition des familles LGBT
3155, rue Hochelaga, Bureau 201, Montréal, Québec H1W 1G4
info@famillesLGBT.org www.famillesLGBT.orgMarie-Pier Boisvert, directrice générale, Conseil québécois LGBT
514 759-6844 | dg@conseil-lgbt.ca www.conseil-lgbt.caLine Chamberland, Ph. D. sociologie, Département de sexologie
Titulaire, Chaire de recherche sur l'homophobie
Membre du Regroupement québécois des chercheures féministes (RéQEF)
T. : 514-987-3000, poste 8596 chamberland.line@uqam.caJosiane Boulad- Ayoub, C. M., M.S.R.C.
Académie des Lettres et Sciences humaines
Professeur émérite de philosophie moderne et politique
Titulaire de la Chaire Unesco de philosophie politique et de philosophie du droit au Canada
ayoub.josiane@uqam.ca téléphone : 514 987 3000 poste 3252 fax : 514 987 6721Claude Leblond, président, Fondation Émergence
(438) 384-1058 www.fondationemergence.org courrier@fondationemergence.orgPascal Vaillancourt, directeur général, Gai Écoute
(514) 866-6788 · www.gaiecoute.org · courrier@gaiecoute.org
1 La publicité pour la tournée de Rami Ayari est déjà lancée. Un site Web spécial est même en place : solidaritetunisie.ca/
2 Vidéo de l'émission où on peut entendre les propos du chanteur Walid Ettounsi : youtube.com
Venue au Canada de Walid Ettounsi : kapitalis.com
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